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Primaire écologiste : Yannick Jadot ou Sandrine Rousseau, qui a gagné le débat ?

Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le débat entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau pour la primaire écologiste sur LCI, le 22 septembre 2021. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le grand débat d’entre-deux tours de la primaire écologiste, opposait mercredi 22 septembre sur LCI Yannick Jadot à Sandrine Rousseau. Un duel, c’est un format très particulier en politique. Bien sûr, c’est l’occasion de voir s’opposer des propositions : j’y reviendrai. Mais c’est aussi un moment unique où les images des candidats se percutent, se confrontent. Or, en rhétorique, on sait que l’ethos, c’est-à-dire l’image que l’on renvoit, a souvent plus d’importance que les arguments. On peut le déplorer, mais c’est comme ça.

Chacun son style 

Je vais donc me pencher sur les stratégies rhétoriques poursuivies par Yannick Jadot et Sandrine Rousseau pour imposer une certaine image de soi. Commençons par Yannick Jadot : les choses sont claires. Il a surtout insisté sur son expérience."Trente années de mon parcours pour l'écologie le démontrent. Ça fait 30 ans que je suis sur le terrain, ça fait plus de 10 ans que je suis dans Europe-Écologie-Les Verts... J'ai passé 2 ans au Bangladesh... J'ai dirigé les campagnes de Greenpeace... On se prenait des boulons des pêcheurs...Quand on a gagné sur les OGM, et on est allés les arracher pour obtenir l'interdiction... J'ai même été espionné par EDF. Les adversaires je les connais, ça fait 30 ans que je les pratique." 

Alors là, il y a quelque chose d’intéressant. Bien sûr, pour Yannick Jadot, tout ce que vous venez d’entendre, c’est une manière d’affirmer sa crédibilité en tant que potentiel président de la République. Mais souvenez-vous que dans un débat, les images ne cessent d’entrer en interaction. Rien de ce que l’on dit n’est anodin. Tout rejaillit sur l’autre par contraste. Donc, quand Yannick Jadot met en avant sa triple expérience de militant, d’élu et d’activiste, c’est déjà une manière de sous-entendre, sans avoir à le dire, que Sandrine Rousseau serait moins expérimentée, et donc moins légitime pour représenter le camp de l’écologie.

Des situations différentes

Sandrine Rousseau n'a pas suivi la même stratégie. Sa situation est différente. Elle est arrivée en deuxième position. Elle fait figure de challenger dans cette primaire. Si elle voulait prendre l’ascendant sur Yannick Jadot, elle ne pouvait se contenter de rester dans une position surplombante : il fallait qu’elle attaque directement l’image de son adversaire. C’est ce qu’elle a fait. "L'écologie de gouvernement que tu [Yannick Jadot] proposes, déclare Sandrine Rousseau, est une écologie qui ne va pas au bout du chemin. J'ai lu ton programme et je vois à quel point il n'y a pas de transformation suffisante. J'ai regardé ton programme par exemple il n'y a pas de date sur la sortie des pesticides. Quand tu dis un moratoire sur les centres commerciaux. Moi je te réponds qu'aujourd'hui nous n'avons plus besoin de centres commerciaux en périphérie. Il faut fixer l'objectif. Là je ne l'ai toujours pas entendu l'objectif."

Un échange sur fond de manœuvre politique

Vous entendez ici que Sandrine Rousseau ne s’est pas contentée de rappeler combien elle entend être radicale, comme elle l’a fait dans les précédents débats. Elle a également accusé directement Yannick Jadot de ne pas aller assez loin. Elle n’utilise pas seulement l’effet de contraste, mais bien l’agression directe… quitte, parfois, à prendre quelques écarts avec la vérité.

Par exemple quand elle dit n'avoir jamais entendu Yannick Jadot proposer de taxer les plus riches, il lui a répondu ce qui a provoqué un échange entre les deux finalistes de la primaire. "Comme tous les écologistes, note Yannick Jadot, nous prévoyons le retour de l'ISF, la suppression de la flat-Tax, la mise en place d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu. Et ça c'est le programme des écologistes. Et c'est dans mon programme aussi". Intervention de Sandrine Rousseau, "bah ce n'est pas noté, mais je suis heureuse de l'entendre. T'entendre pour la première fois le dire." Ce à quoi Yannick Jadot rétorque, "c'est pas bien de caricaturer comme ça. C'est pas bien." Sandrine Rousserau ne se démonte pas et conclut, "je vous incite à aller voir son site." Je suis allé voir le site de Yannick Jadot, qui propose bel et bien de rétablir l’ISF, ainsi que le projet d’EELV, qui plaide effectivement pour une réforme de l’impôt sur le revenu. Il semble donc qu’ici, Sandrine Rousseau franchisse allègrement la ligne qui sépare la disqualification… de la calomnie. 

Yannick Jadot reste calme et ne dénonce pas plus vivement la manœuvre. Il a fondé une grande partie de sa communication sur l’idée qu’il serait un candidat rassembleur, capable de fédérer autour de l’écologie. Il a davantage intérêt à rester en surplomb, pour montrer qu’il serait au-dessus de tout ça. Au fond, dans ce débat, les deux adversaires ont chacun interprété leur partition.

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