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CHRONIQUE. Retour sur les annonces de Gabriel Attal sur le collège de demain

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 10 décembre : la réforme du collège esquissée par le ministre de l’Éducation nationale, en réaction aux mauvais résultats des écoliers français dans le classement international PISA. Une réforme qui propose notamment le rétablissement de classes de niveaux dans les collèges.
Article rédigé par Clément Viktorovitch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des élèves en classe, dans un collège de Saint-Gély du Fesc (Hérault), en septembre 2023 (GUILLAUME BONNEFONT / MAXPPP)

Un "choc des savoirs" : voilà ce dont la France aurait besoin pour cesser de dégringoler au sein du classement PISA. Une formule derrière laquelle Gabriel Attal regroupe de nombreuses mesures : favoriser les redoublements, rendre le brevet des collèges obligatoire pour passer en lycée, introduire une nouvelle épreuve de math au bac… Et, donc, cette idée phare : introduire des groupes de niveaux, au collège, en français et en mathématiques.

L’idée, à première vue, pourrait sembler séduisante : permettre aux meilleurs élèves d’atteindre l’excellence, en n’étant pas bridés par le reste de la classe. Et donner aux élèves en difficulté l’occasion de rattraper leur retard dans des groupes en effectifs réduits, où ils pourraient avoir des heures de soutien supplémentaires.

Mais les classes de niveaux, c’est une vieille idée, qui a été très bien étudiée par les sciences de l’éducation. Toutes les études convergent pour montrer que c’est, en réalité, une machine à renforcer les inégalités. On peut citer notamment les travaux de la sociologue française Marie Duru-Bellat. Elle montre que, dans des classes de niveaux, les bons élèves sont, c’est vrai, poussés vers le haut. En revanche, les élèves les plus en difficulté tendent à s’effondrer – qu’ils soient, ou non, en effectifs restreints. Le fait d’être rassemblés dans un groupe fragile achève, hélas, de les convaincre qu’ils sont mauvais. Malgré toute la bonne volonté des enseignants, quand on regarde les résultats à la fin de l’année, ils sont cruels : les bons élèves sont devenus meilleurs, les moins bons ont encore plus à rattraper. D’ailleurs, à l’exception du SNALC, qui est très minoritaire, tous les syndicats sont vigoureusement opposés à cette mesure.

Le classement PISA est, d'ailleurs, à nuancer. Les travaux de Fabien Truong, sociologue de l’éducation, montrent que si la France réussit moins bien dans PISA, c’est notamment parce que son système scolaire est très massifié. Il est l’un de ceux qui garde en scolarité le plus d’élèves, le plus longtemps. Ce qui est plutôt une bonne chose, mais a pour conséquence mécanique de faire baisser la moyenne dans PISA. Ensuite, ce que montre surtout l’enquête PISA, c’est que le système scolaire français est terriblement inégalitaire. L’écart entre les enfants issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé est l’un des plus grands au monde.

Or, pour réduire les inégalités scolaires, tout en élevant le niveau général, il y a plein de choses à faire. Recruter des enseignants, avant tout, pour diminuer les effectifs par classe. Ensuite, miser sur l’entraide entre des élèves de niveaux différents au sein d’une même classe, comme le recommande le professeur en science de l’éducation Philippe Meirieu. En revanche, les groupes de niveaux risquent d’accroître des inégalités déjà insupportables.

Ecole clientéliste ?

On ne peut pas exclure des arrière-pensées politiques : les classes de niveaux sont, depuis dix ans, un totem de la droite conservatrice. Mais il y a aussi une raison de fond. En présentant sa réforme, Gabriel Attal a dit qu'il voulait faire des groupes de niveaux notamment pour les Français de classe moyenne, qui payent des impôts, et veulent en avoir pour leur argent. 

Or le principe même d’un service public, c’est que nous le finançons toutes et tous selon nos moyens, et nous en bénéficions selon nos besoins. En disant que "les Français qui payent des impôts veulent un retour sur investissement", Gabriel Attal s'écarte, me semble-t-il, des fondements mêmes de notre service public. Le modèle dont il se réclame, c’est celui d’une école clientéliste, qui favorise de facto les enfants de ceux qui la financent. Au détriment, donc, de l’idéal de l’école républicaine, celle qui devrait permettre aux jeunes citoyennes et citoyens d’entrer dans la vie armés d’un socle de connaissances en commun. Hélas, je crains que plus que jamais, nous en soyons très loin.

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