En un mot : Loup Bureau, on est là
Le mot de l'actu : Loup. Comme Loup Bureau. Le journaliste de 27 ans est détenu par les autorités turques depuis début août. Il est dans une cellule, seul, avec un tout petit moral, dans la province de Sirnak. Le chef d'accusation, tombé jeudi, l'assimile à un complice du terrorisme kurde. Des manifestations sont prévues ce week-end en France.
Loup.
Loup est un journaliste de 27 ans, originaire d’Orvault, près de Nantes. Ce garçon est dans une position très délicate : il risque autant d’années de prison que son âge. Ce jeune reporter, à peine diplômé, mais qui a déjà réalisé des reportages qui ont été diffusés, est détenu en Turquie, quasiment à l’isolement. Cinq minutes de sortie par jour. Son père dit qu’il ne va pas bien.
Je pense à Loup, souvent. Et quand je pense à lui, je repense à ma passion : raconter les choses que les grands de ce monde nous cachent. Toute jeune diplômée du Cuej à Strasbourg, à peine sortie de cette école de journalisme, j’étais partie en Turquie voir les Kurdes. Loup aussi. Il s’est rendu dans la province kurde de Sirnak, une zone frontalière avec l’Irak et la Syrie. Il a été interpellé, début août, par les autorités turques, mis en examen, placé en garde à vue.
Et jeudi, alors que notre ministre de la Défense est sensé plaider pour lui jeudi ou vendredi, on a appris le chef d’accusation : coupable de faire partie d’un groupe d’opposants kurdes, groupe présumé terroriste. Je me souviens d’être dans un bus, en août, avec ma sœur Caroline ; on revenait de chez les Kurdes, avec dans mon sac des documents écrits en kurde. Loup a été pris avec des traces d’un documentaire qu’il avait réalisé sur les Kurdes, diffusé sur TV5 en 2013. Ce qui n’est pas interdit. À l’époque, j’avais obtenu une interview du staff des dirigeants de la lutte kurde, un truc incroyable qui m’était un peu tombé dessus. J’avais remonté le fil de quelques contacts, et je m’étais retrouvée dans une grande salle, devant les leaders historiques de cette lutte, notamment face à la combattante Leila Zana, qui a passé les trois quart de sa vie en prison. "Folle, inconsciente, kamikaze !", crient certains.
J’entends ceux qui murmurent, que Loup bureau est trop jeune, pas assez expérimenté… Sauf que, certains journalistes sont ainsi : ils ne peuvent s’empêcher d’aller chercher l’info où elle est, et non pas où on nous la donne. Loup pourrait être de cette espèce-là : ceux que mes grands frères grands reporters, appellent les FTP : les Fuck The Pool, ce qui signifie ceux qui sortent du rang. Ceux que j’ai connus, et qui m’ont entraînée là-dedans, sont des pros, de grands journalistes. Ils m’ont appris à ignorer la peur, pour ramener des histoires d’hommes et de femmes. Raconter la petite histoire pour faire vivre la grande et en prendre conscience. En un mot, Loup, je pense à toi, on est là, tout près, on t’attend… et je sais que tu es un journaliste, un vrai, certainement pas un terroriste.
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