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En un mot. À Gaza, on se tape la tête contre des murs

Le mot de l'actu du jour est : Gaza. Cela n'aura échappé à personne. Surtout pas à Nathalie Bourrus.

Article rédigé par franceinfo, Nathalie Bourrus
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des garçons palestiniens se tiennent derrière une clôture d'observation lors d'un rassemblement anti-israélien le 26 février 2016 dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (SAID KHATIB / AFP)

Gaza. Une terre en forme de bande. Mensurations : 41 kilomètres de long. Largeur : 6 à 12 kilomètres. Superficie : 360 kilomètres carrés. Encerclement : au nord, à l'est et au sud-est par l’état d’Israël. Et au sud-ouest par l’Egypte. Population : près de 2 millions d'habitants, les Gazaouis. Le chiffre qui tue : la densité qui est de 5 400 habitants au kilomètre carré. On pourrait ajouter un taux de suicide anormal, ou encore, un nombre anachronique d’enfants traumatisés.

Hier, fut une journée noire, une journée suicidaire. Il fallait voir avancer ces Palestiniens, dans cette bande de gaza, vers la barrière de sécurité, celle qui les sépare d’Israël. Il fallait regarder ce mouvement de foule, allant tout droit, droit dans le mur. Car bien sûr, étant donné les règles de tirs observés par les soldats de Tsahal, personne n’a imaginé que cela se passerait bien. Dans le quotidien israélien Haaretz, journal progressiste, on parle de cette foule, qui, avance "tels des taureaux (…) comme des bêtes qui vont à l’abattoir". Ils avancent, ils foncent vers cette barrière de sécurité, sans savoir s’ils rentreront vivants.

La jeunesse des participants

Certains sont très jeunes. On voit des gamins de 12 ans, courir et jeter des pierres. On voit ça depuis des années. On dirait même que ça fait des siècles, même avant que le Hamas ne prenne le pouvoir dans la bande de Gaza. Oui, certains les poussent à se révolter. Mais oui aussi, ces enfants ne connaissent que la guerre et l’humiliation de leurs pères, leurs mères, leurs grands frères. Ils sont nés là-dedans. Ils sont enfermés là-dedans. Depuis le sud de la bande de Gaza, tandis que les soldats de Tsahal les observent nuit et jours, eux regardent, au loin, fleurir des arbres, ils regardent des jardins arrosés, des maisons éclairées. Dans leurs camps, avec électricité variable, et manque d’eau, ils ont la rage vissée au ventre.

Il n’est pas question ici de faire l’apologie de la guerre des pierres, bien sûr que non. Ni de minimiser le rôle joué par le Hamas, au pouvoir à Gaza, et qui a largement attisé les braises de la colère. Il est question de se dire qu’inaugurer une nouvelle ambassade des États-Unis, à quelques heures de la journée du souvenir de la Nanba, est un acte tout aussi suicidaire, que celui de ces jeunes se jetant dans la gueule du loup. Gaza étouffe et en se jetant contre les murs, tente de faire semblant d’exister encore.

En un mot : à Gaza, on est passé du désespoir, des cris et des larmes, à une certaine folie. Sous un ciel devenu blanc comme un linceul, les Gazaouis se tapent la tête contre des murs. Ils sont prêts à tout et à n’importe quoi. Comme des pantins désarticulés, ils foncent vers le vide pour se convaincre qu’ils respirent encore.      

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