Cet article date de plus de cinq ans.

En direct du monde. Dix ans après sa mort, le travail engagé par Soeur Emmanuelle se poursuit en Egypte

Soeur Emmanuelle, figure chrétienne emblématique de la lutte contre la pauvreté, est décédée le 20 octobre 2008. Dix ans après, dans le quartier du Caire où elle a dédié les 30 dernières années de sa vie à aider les plus démunis, on se souvient.

Article rédigé par franceinfo, François Hume-Ferkatadji
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Soeur Emmanuelle en Egypte, en février 1991. (BERNARD LE SOLLEU / MAXPPP)

La mémoire de "la petite soeur des pauvres" est encore forte dans le quartier de Manshiyet Nasr, au Caire, où 90 000 personnes, à très forte majorité chrétienne, collectent et trient les déchets de la capitale égyptienne qui compte plus de 20 millions d’habitants. C’est dans ce quartier que Soeur Emmanuelle, une fois à la retraite, avait décidé de s’installer dans des conditions précaires et de dédier les 30 dernières années de sa vie à la lutte contre la pauvreté.

Dans le quartier des zabaleen, "les chiffonniers" en arabe, on se souvient bien de Soeur Emmanuelle parce qu’elle a usé de toute son énergie pour tenter d’améliorer les conditions de vie des habitants qui vivaient dans une extrême pauvreté. Son combat lui a valu une certaine popularité. De nombreux parents lui sont encore reconnaissants aujourd’hui de pouvoir mettre leurs enfants à l’école. De l’étonnement aussi : pourquoi une vieille dame qui avait les moyens de vivre dans un quartier chic s’est installée pendant des années dans un bidonville du Caire ? 

Une détermination à toute épreuve

À l’époque, au début des années 80, Soeur Emmanuelle expliquait n’avoir jamais vu une telle pauvreté, elle décide alors de vivre, à plus de 60 ans, dans le bidonville de Nezbet al-Nakhl d’abord, puis dans celui de Manshiyet Nasr où vivent des coptes venus du sud de l’Egypte pour faire un métier que personne ne veut faire : collecter, trier et recycler les déchets. Lorsqu’elle s’y installe, ces quartiers sont complètement délaissés par les autorités, ils ne sont pas raccordés à l’électricité, ni au réseau d’eau. Les gens dorment dans des sortes de baraques, avec des toits en carton.

Grâce à ses nombreuses connaissances et sa capacité à lever des fonds, elle se bat pour faire construire une école, un hôpital, un jardin d’enfant. Isaaq Mickhael, ancien chef des zabaleen, devenu le bras droit de Soeur Emmanuelle, se souvient bien de sa détermination : "Elle avait cette manie de tout noter, les remarques, toutes les observations, elle prenait des notes. Elle était totalement déterminée pour que ses projets se réalisent, prête à aller voir les responsables, peu importe leur personnalité ou leur poids, et ça la caractérisait bien." Il explique notamment avoir accompagné la religieuse en pleine nuit chez le ministre de l’Electricité pour le convaincre de raccorder "la ville poubelle", comme on appelle ce quartier, au réseau électrique. Ce que le ministre a ordonné dès le lendemain. 

"Le message n’est pas mort, et toujours très fort"

Aujourd’hui, le travail de Soeur Emmanuelle se poursuit à travers l’association qu’elle a fondée Asmae. Cette association participe notamment au financement d’écoles et de centres spécialisés pour la prise en charge d’enfants et d’adolescents handicapés. Elle s’est développée dans plusieurs pays. En Egypte, elle a désormais pour objectif principal de promouvoir le droits des enfants, de lutter contre la déscolarisation. L’école de Mahaba par exemple, qui se trouve à Nezbet al-Nakhl, compte aujourd’hui 3 000 élèves, 10 fois plus que lors de  son ouverture en 1988 : 227 employés et 4 soeurs y travaillent à plein temps. Le travail de Soeur Emmanuelle se poursuit selon Sherif Abdel Aziz, représentant de l’association Asmae en Egypte : "L’Egypte est considérée comme le deuxième lieu de naissance de Soeur Emmanuelle. Elle a décidé de dédier sa vie aux chiffonniers et à  leurs enfants pour leur donner de meilleures opportunités, une meilleure éducation et un meilleur accès aux soins ; leur permettre d’être des membres à part entière de la société, d’avoir une dignité et d’être respectés. C’est elle qui a initié ça. Quand elle est morte, le message lui n’est pas mort. Aujourd’hui, il est toujours vivant et très fort."

L’école Mahaba fête ses 30 ans dans quelques semaines et célèbre par la même occasion les 10 ans de la mort de Soeur Emmanuelle. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.