En direct du monde. Au Maroc, la voix d'un ex-salafiste pour défendre l'égalité hommes-femmes en matière d'héritage
Au Maroc, un ancien prédicateur radical apporte son soutien à ceux et celles qui se luttent dans le pays en faveur de l'égalité hommes-femmes en matière d'héritage.
Au Maroc, conformément à la loi islamique, une femme hérite moins qu’un homme. Cette règle est régulièrement remise en question par les défenseurs des droits des femmes. Cette fois, le combat d'un homme est particulièrement remarqué. Le débat rouvert par un ancien salafiste.
Un porte-voix atypique
La cause de l'égalité des femmes en matière d'héritage au Maroc est à présent défendue par un ex-prédicateur radical, connu sous le nom d’Abou Hafs. Il a été condamné à 30 ans de prison après les attentats de Casablanca en 2003, considéré comme l’un de ceux qui ont inspiré ces attaques djihadistes ayant fait 45 morts. En prison, il entame sa révision idéologique et en 2012, il est gracié par le roi Mohammed VI. Le repenti qui se présente comme réformiste affirme qu'il n'est plus salafiste. Et c’est comme tel qu’Abdelouahab Rafiki, son véritable nom, a pris position sur ce sujet très sensible au Maroc, l’égalité hommes-femmes en matière d’héritage.
Une parole publique
Abdelouahab Rafiki était l’invité le mois dernier d’une célèbre émission de télévision. Il a participé à un ouvrage collectif signé par des hommes sur l’héritage des femmes et vient de faire la une de l’hebdomadaire progressiste Telquel. Autant dire que ses anciens compagnons salafistes ont peu apprécié, eux qui expliquent que ces différences sont inscrites dans le Coran et donc absolument intouchables. L’un d’eux a condamné ce qui représente à ses yeux, "une attitude de mécréant", un autre le qualifie d’"aliéné". Des menaces de mort ont même circulé sur les réseaux sociaux.
Des arguments sur l'évolution de la société
Le repenti explique qu’en raison des "changements" qu’a connu la situation de la femme depuis l’avènement de l’islam, il faut un effort de réflexion et une "relecture des textes tenant compte de ces nouveautés". Le Coran doit être replacé dans son contexte. À l’époque où le "texte sacré" dit qu’une femme hérite deux fois moins que son frère, l’homme devait subvenir aux besoins des femmes. Aujourd’hui, dit Abou Hafs, cette loi est "obsolète". Plus largement, il soutient que l’islam doit s’adapter et non rester dans une pensée "antique et inerte".
Un débat sur un sujet tabou
La question de l’héritage est sensible au Maroc parce que l’inégalité est inscrite dans la loi. Les règles sur les successions définies dans le code de la famille sont largement inspirées du droit musulman. Et quand ce code, la moudawana, a été modifié et modernisé en 2004, les chapitres sur l’héritage n’étaient pas concernés. Dans les faits, cela n’empêche pas certaines familles de contourner la règle, par le biais de donations de leur vivant notamment. Mais les défenseurs de la réforme réclament l’égalité devant la loi. Ils rappellent que la nouvelle Constitution de 2011 proclame l’égalité entre les hommes et les femmes.
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