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En direct du monde. A Madagascar, des baobabs creusés pour en faire des citernes à eau de pluie

Dans le sud de l'île, souvent atteinte de périodes de sécheresse, les baobabs sont évidés pour conserver l'eau de pluie.

Article rédigé par Alexis Morel - Sarah Tétaud
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Baobabs le lond d'une route sur l'île de Madagascar un jour de pluie. (ANNE MONTFORT / PHOTONONSTOP)

Ils sont majestueux, ils ont parfois plusieurs centaines d’années et ils sont l’un des symboles de Madagascar. Çe sont bien sûr les baobabs. En 2006, dans un village isolé du sud aride de l’île, des chercheurs français découvrent l’existence d’une pratique originale : les troncs des baobabs sont creusés pour en faire des réservoirs à eau de pluie. Cette technique atypique de survie est particulièrement bien adaptée à cette région, régulièrement touchée par des vagues intenses de sécheresse.

Sur le plateau Mahafaly, l’alimentation en eau est un enjeu crucial pour les populations. Dans le village d’Ampotaka, les habitants ont fait de l'Adansonia za, le baobab endémique de Madagascar, leur meilleur allié. Entre 120 et 150 baobabs se dressent tout autour du village. Et depuis les années 1920, d’après Minah Randriamialisoa, chercheuse en sciences humaines, ils servent de citernes aux habitants. Ils ont été creusés selon des rites et un savoir-faire ancestral. Leur tronc peut accueillir jusqu’à 9 m3 de liquide, de quoi assurer les besoins en eau d’une famille pendant trois mois. Un moyen de stockage indispensable dans cette zone où il ne pleut que deux fois par an. Minah Randriamialisoa : "La gestion des baobabs citernes est extrêmement codifiée et rythme la vie du village. Ils sont devenus experts en économie d’eau. Ils utilisent à peu près deux seaux d’eau par jour pour une famille d’environ cinq personnes. C’est donc une mise en valeur extrême de la ressource."

A chaque famille son (ou ses) baobabs

C’est lors d’un conseil avec les sages du village qu’on attribue les baobabs. Chaque famille en possède au moins un, qui se transmet ensuite en héritage. Dès qu’un arbre est attribué, il faut faire appel à l’un des "creuseurs" du village, le seul habilité à entailler le tronc. Cette étape se fait obligatoirement entre juin et septembre, pendant la période sèche. Une fois évidé, il faut absolument attendre six mois avant de commencer à remplir le réservoir naturel pour que, à l’intérieur du tronc, l’écorce se reforme. C’est elle qui permettra d’imperméabiliser l’arbre et éviter ainsi qu’il ne pourrisse.

Ensuite, le remplissage s’effectue entre décembre et février, en fonction de la pluie. Les familles creusent des trous autour des baobabs, pour n’avoir qu’à ramasser l’eau dans les flaques avec des seaux, et les verser ensuite dans le tronc. Après, l’entretien de l’arbre se fait tous les cinq à dix ans. Cette pratique unique est propre à Ampotaka. Les villages voisins ont essayé d’imiter ce système : en vain. Tous les baobabs sont morts.

Une solution non pérenne

Cette tradition, aussi performante soit-elle, n’arrivera bientôt plus à répondre aux besoins de la population. Des besoins pourtant déjà réduits à leur strict minimum. L’hydrométrie dans la région ne risque pas de s’améliorer ces prochaines années. D’après la chercheuse Minah Randriamialisoa, la pression démographique dans ces zones rurales est forte. Il n’y aura donc bientôt plus assez de baobabs-citernes pour tout le monde. Et les solutions alternatives, comme les cuves en plastiques, n’ont pas encore convaincu les villageois.

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