En Azerbaïdjan, une exposition de trophées militaires scandalise les Arméniens
Le musée de Bakou présente notamment des casques de soldats arméniens tués lors du conflit dans le Haut-Karabakh ou des mannequins de cire. Cinq mois seulement après la fin des combats, cette initiative patriotique est perçue comme une provocation par les Arméniens.
Cinq mois après la capitulation de l’Arménie dans le Haut-Karabakh, Yerevan accuse l’Azerbaïdjan de politique génocidaire. En cause : une exposition de trophées de guerre à Bakou, inaugurée par le président azéri. Parmi ces trophées, des chars capturés, des mannequins de cire représentant des soldats arméniens souvent enchaînés, et des casques récupérés sur le front.
"C'est presque du fascisme!"
Côté arménien, cet évènement est, évidemment, très mal perçu. Imaginez les parents d’un soldat mort au combat, voyant cette exposition présentant des casques dont l'un pourrait avoir été celui de leur fils. C’est dégradant, estime un habitant de Yerevan : "C’est le visage ignoble de la culture de ce pays et de son président. C’est presque du fascisme !" L'indignation est d’autant plus forte que ce musée est l’aboutissement, d’une série de mesures, d’évènements déjà difficiles pour l’Arménie.
Il y a eu bien sûr la capitulation, puis l’arrivée des Russes qui contrôlent maintenant le Karabakh. Vladimir Poutine construit des bases un peu partout, il bloque les accès aux journalistes. Le président russe est chez lui dans une région arménienne. Pour les Arméniens, qui font leur deuil, qui veulent passer à autre chose, qui pensent plutôt à sauver leur économie, cette attitude de l’Azerbaïdjan ravive des douleurs. L'habitant de Yerevan que nous avons rencontré fait un parallèle avec un musée similaire qui avait été construit à Bagdad après la guerre Iran-Irak : "Ça n’est arrivé qu’une fois dans l’histoire, avec Saddam Hussein. Et ceux qui agissent comme Saddam Hussein, finiront comme Saddam Hussein."
Redorer le blason d'un pays en crise
Quelle est la stratégie politique du président azéri, Ilham Aliyev ? Sur le plan de la politique étrangère, l’Azerbaïdjan veut faire payer à l’Arménie ce qu’il considère comme 30 ans d’occupation du Karabakh. Sur le plan interne, on présente souvent Bakou comme la future Dubaï, une ville de démesure grâce aux pétrodollars. C’est vrai, mais partiellement.
La monnaie azérie a perdu la moitié de sa valeur, la croissance est autour de 1%, le salaire moyen est de 100 euros par mois. Le pays est en proie à la corruption, réprime les journalistes, etc… Ce musée, comme l’explique cette politologue américaine, est une façon pour Aliyev de faire oublier tout ça : "Ça fait partie d’une stratégie politique totalement assumée. Vous voyez des mères de famille avec leurs enfants, se promener dans le musée, un dimanche ensoleillé ! "C’est la preuve que le régime veut continuer à profiter de cette vague patriotique qui déferle depuis la victoire militaire." Dans ce contexte, difficile d’entrevoir une paix durable entre Arménie et Azerbaïdjan. L’ouverture des frontières entre les deux pays paraît actuellement impossible.
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