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En Afrique du Sud, la justice se saisit du meurtre d'un opposant à l'apartheid près de 50 ans après les faits

Un ancien policier du régime de l’apartheid comparait pour le meurtre d'un activiste datant de 1971. Un procès qui ravive les plaies et les zones d'ombre du passé.

Article rédigé par franceinfo - Noé Hochet-Bodin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le frère d'Ahmed Timol, lors de l'audience à Pretoria, le 12 octobre 2017, qui a finalement conclu à un meurtre.  (GULSHAN KHAN / AFP)

En Afrique du Sud, un policier du régime de l’apartheid comparait pour meurtre, 47 ans après les faits. La justice, mercredi 19 septembre, se penche sur la mort d’Ahmed Timol, un activiste anti-apartheid, retrouvé sans vie, en 1971, au pied du commissariat central de Johannesburg. Pendant longtemps cette affaire a été mise sous le tapis. Elle ressurgit 24 ans après l’avènement de la démocratie et rappelle les douleurs du passé.

Une mort d'abord expliquée par un suicide 

En 1971, quelques semaines après les faits, un juge sud-africain avait classé le dossier. Pour lui, Ahmed Timol, alors jeune enseignant et activiste du Congrès national africain (ANC), s’était donné la mort en se jetant du 10ème étage du commissariat central de Johannesburg pour échapper à un interrogatoire. La famille Timol n’a elle jamais cru à cette thèse. Déjà en 1996, lors de la grande commission "Vérité et Réconciliation", elle affirmait qu'Ahmed avait été torturé, puis jeté par la fenêtre par les policiers sud-africains. Elle a obtenu gain de cause en octobre 2017. La justice a rouvert le dossier et l’a requalifié en meurtre.
 
Parmi les policiers présents à l’époque, un seul est encore vivant. Le dernier homme qui a vu Ahmed Timol en vie s’appelle Joao Rodrigues. Il a aujourd’hui 80 ans et comparait dans le box des accusés.

Quel jugement près de 50 ans après les faits ?

L'ancien policier risque la prison à vie pour torture et meurtre. Mais pour cela, encore faut-il prouver qu'Ahmed Timol a bien été tué. Les experts légistes ont en tout cas assuré qu’il avait été torturé pendant plusieurs jours et qu’il souffrait de multiples blessures avant sa mort. La torture faisait alors partie du quotidien dans les commissariats de l’apartheid : 5 000 cas ont été recensés de 1960 à 1994. Une unité spéciale avait même pour mission de couvrir les officiers de police en fabricant des preuves pour les innocenter.

Un procès tardif  

Le dossier n’avait pas été tranché lors de la commission "Vérité et Réconciliation", présidée à l’époque par Mgr Desmond Tutu. Au lendemain de l’élection de Nelson Mandela, la commission promettait d’accorder une amnistie à quiconque viendrait reconnaître ses crimes devant elle. Mais pour le cas d'Ahmed Timol, comme pour beaucoup d’autres, personne ne s’est manifesté pour être amnistié, y compris le policier Joao Rodrigues.  
Ce sont au total près de 300 affaires qui sont restées sans réponses. Le cas d'Ahmed Timol fait donc renaître l’espoir. Les avocats de la famille ont fait un appel à témoignage à quiconque pourrait venir éclairer ces autres meurtres jamais élucidés. Dans une société sud-africaine toujours tiraillée par les tensions raciales, ces procès d’un nouveau genre rouvrent les cicatrices du passé. Pour le neveu d’Ahmed Timol, ils sont pourtant nécessaires afin de fermer ces cicatrices proprement.

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