Surpopulation et suicides en prison : le pari de la prévention
La France épinglée pour son taux de suicides en prison : c'est ce qui ressort de l'enquête 2011 des Statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe (SPACE), réalisée par deux chercheurs de l'Université de Lausanne, Natalia Delgrande et Marcelo Aebi. Le criminologue souligne la nécessité d'investir dans la prévention.
Les prisons françaises n'avaient déjà pas bonne réputation . Surpopulation,
promiscuité, conditions de vie indignes, On se souvient de la comparaison faite
par l'ancien Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, l'Espagnol Alvaro
Gil-Robles: "Pour trouver pire il faut aller en Moldavie !". C'était il y a 8
ans. Depuis, malgré les efforts entrepris, les choses n'ont pas beaucoup changé.
Bien sûr la France n'est pas la seule. La moitié des pays européens sont
en situation de surpopulation carcérale , comme le montre cette enquête annuelle,
qui regroupe les statistiques pénales des 47 Etats membres du Conseil de
l'Europe. Si la France compte 113,4 prisonniers pour 100 places, nous sommes
derrière la Belgique (127,2), la Hongrie (138,2), la Grèce (151,7) ou l'Italie (147); le record étant
détenu par la Serbie (157,6). Les prisons européennes accueillent en moyenne 99,5 détenus pour 100 places.
Le rapport du Conseil de l'Europe permet aussi de définir un profil des détenus . Leur âge moyen est de 33 ans. Il s'agit à près de 95% d'hommes. Plus d'un détenu sur cinq est étranger, une proportion qui dépasse le tiers dans les pays d'Europe de l'Ouest. En France, le quart de ces incarcérations relève d'infractions à la police des étrangers. Même si un arrêt de la Cour européenne de justice interdit désormais l'emprisonnement pour le simple fait d'être en situation irrégulière.
95 suicides en France en 2010
Mais le plus
inquiétant, c'est le nombre de suicides dans les prisons françaises. Avec
un taux de suicides deux fois supérieur à la moyenne : 15,5 pour 10.000 détenus, contre 6,7 pour l'ensemble des pays membres.
Un chiffre épouvantable. 95 personnes ont mis fin à leurs jours dans les prisons
françaises en 2010, année de référence sur ce point, c'est plus que la moitié du
nombre de morts dans nos prisons. C'est beaucoup plus qu'en Allemagne, en
Suisse, en Ukraine ou en Moldavie. On est néanmoins derrière la Belgique, les
Pays-Bas, Malte et la Macédoine. C'est le Luxembourg qui affiche le pire taux:
29 pour 10.000. En fait il y a eu 3 morts dont 2 suicides, l'un des deux était une femme.
En France 98% des personnes qui mettent fin à leurs jours en prison sont des
hommes. Dans le même temps, le nombre de tentatives de suicides s'éleve à plus de 2000.
N'empêche, comment expliquer ces mauvais chiffres pour la
France? Pour les auteurs du rapport, chercheurs à l'université de
Lausanne, c'est forcément lié au problème de la surpopulation, sans compter que
la plupart des suicides ont lieu pendant la détention provisoire. Or la France
justement se fait régulièrement taper sur les doigts dans ce domaine. Beaucoup
trop de préventive, des durées bien trop longues, des peines trop sévères,
pas assez de peines alternatives (bracelet électronique, travail d'intéret
général), qui coûtent en principe moins cher.
La nécessité et le défi de la prévention
La somme moyenne dépensée par jour et par détenu en 2010 était de 93 euros, 96 euros en France, 85 euros par jour pour une détention préventive. "Cela donne à réfléchir", souligne Marcelo Aebi, qui prône des peines plus courtes, comme dans les pays scandinaves. Mais ce qui coûterait le moins cher à la
société, insiste le criminologue, ce serait d'investir dans la prévention,
dès l'enfance, dès l'adolescence, ce qui nous éviterait d'avoir aujourd'hui près de 2
millions d'Européens (1 828 000) en prison.
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