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Les promesses spatiales de Newt Gingrich

Aux États-Unis, depuis John Kennedy et le prodigieux programme Apollo, qui a participé, économiquement et symboliquement, à l'effondrement de l'URSS, l'espace est un enjeu de politique nationale et internationale.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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A chaque
élection présidentielle américaine
, les candidats font un passage obligé dans
l'un ou l'autre des cinq états "spatiaux", pour
séduire astronautes et industriels et promettre... la Lune. 2012 ne
déroge pas à la règle et, comme le Président démocrate actuel a
littéralement coupé les ailes des astronautes américains, qui ne
disposent plus, depuis six mois et pour encore au moins sept ou huit
ans, de fusées pour aller dans l'espace, ce sont les candidats
Républicains qui leur font des promesses...

Newt Gingrich, [... ]au terme des deux mandats
présidentiels escompte mener à bien, l'installation
permanente d'une "colonie lunaire".

Cette semaine, c'est
Newt Gingrich , qui depuis la petite ville de Cocoa Beach, non loin du
pas de tir des fusées Apollo, a surenchéri sur ses adversaires à
la candidature, en promettant, au terme des deux mandats
présidentiels qu'il escompte mener à bien, l'installation
permanente d'une "colonie lunaire". En clair, une base
lunaire en 2020. L'annonce est aussi grandiose que loufoque, et,
au vu de l'état actuel de la Nasa, prête à sourire. Car cela n'est
tout simplement pas possible. La Nasa ne dispose pas de fusée pour
lancer des astronautes vers la Lune, ne dispose pas de la technologie
permettant de se poser sur le satellite de la Terre, ne dispose pas
de la technologie permettant à des astronautes de vivre sur la Lune.
Lancer un tel programme exigerait un budget pharaonique, qui, en
l'absence d'objectif stratégique – battre les Soviétiques sur le
terrain de l'idéologie politique – n'a pas de raison d'être. Cela
dit, les promesses abracadabrantesques de Newt Gingrich doivent être
remises en perspective.

Car, depuis le héros fondateur de la
conquête spatiale américaine, John Kennedy , qui a promis la Lune au
peuple américain et lui a offert, les présidents successifs l'ont
tous suivis, dans une vertigineuse spirale d'échecs. Richard Nixon ?
Il a promis l'espace pour tous, libre et gratuit, ou presque, avec la
navette spatiale. C'est le plus grand échec technique et économique
de l'espace américain. Ronald Reagan ? C'est la Station spatiale
internationale (ISS) qui promettait des retombées scientifiques,
technologiques et industrielles inouïes : mais l'ISS n'a jamais
servi à rien, si ce n'est à accueillir de riches touristes. George
Bush
Père ? Son Iniative d'exploration spatiale promettait la
planète Mars en 2010... George Bush Fils ? Lui, c'est la Lune qu'il
a imprudemment re-promise aux Américains pour 2020. Son programme
Constellation a été annulé par le Président Barack Obama en 2010, Obama
qui, depuis un demi-siècle, est le seul président Américain qui a
osé ne pas promettre de chimères à ses électeurs fans d'espace.

Sous son mandat, les
navettes ont été arrêtées. Il était temps : deux vaisseaux
spatiaux sur cinq ont été perdus, avec quatorze astronautes. Les
navettes ont effectué 10 % des vols prévus, pour un coût cinquante
fois supérieur à celui qui était prévu. C'est l'échec des
navettes américaines qui a permis à l'Europe de prendre plus de la
moitié du marché spatial, avec ses fusées Ariane. Le prochain
président des Etats-Unis va trouver un programme spatial en
déshérence. D'abord, on l'a vu, il n'y a plus de fusées pour
envoyer les astronautes américains dans l'espace : c'est désormais
les Russes qui font voler les Américains à bord de leurs Soyouz,
étonnante revanche de l'histoire. Ensuite, un programme
technologique sans objectif, plus sûre façon d'aller à la
catastrophe : la Nasa développe en effet une fusée super géante,
le Space Launch System , déjà surnommée la "fusée pour nulle part",
ainsi qu'une capsule spatiale, Orion, juste capable d'atteindre
l'ISS... au moment où celle-ci sera abandonnée, dans les années
2020 ! Pour maintenir le rêve de puissance, la Nasa entretient des
projets vagues, sans financement, de conquêtes de la Lune, de Mars
et des astéroïdes. D'un côté, donc, une Nasa qui pleure ses
budgets passés perdus et un secteur privé incapable de prendre la
relève : l'espace, c'est avant tout du hardware, qui, comme son nom
l'indique, est "hard". Ainsi, le prochain président
des Etats-Unis, comme ses prédécesseurs, pourra, sans risque d'être
démenti, promettre la Lune, Mars et les anneaux de Saturne à ses
électeurs, et, comme ses prédécesseurs, repasser la patate chaude
à ses successeurs.

 

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