En Allemagne et en France, des intellectuels réclament un ministère de l’amitié

"L’amitié ne peut compter sur personne pour défendre ses intérêts", écrit Paula Fürstenberg dans une tribune publiée dans le journal "Die Zeit". La romancière n'est pas la seule à militer pour la création d'un ministère de l'amitié.
Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La romancière allemande Paula Fürstenberg invite, dans une tribune, les pouvoirs publics à envisager la création d’un ministère de l’amitié. (CAPTURE D'ECRAN "DIE ZEIT")

"La famille a un ministère, pas l’amitié", dans une tribune publiée dans le journal Die Zeit, la romancière Paula Fürstenberg invite les pouvoirs publics à envisager sérieusement la création d’un ministère de l’amitié, qu’il faudrait selon elle remettre au centre de nos vies. Elle estime que l’amitié joue un rôle capital dans les relations sociales, mais elle n’est pas reconnue juridiquement.

"De la santé au logement, l’amitié ne peut compter sur personne pour défendre ses intérêts", écrit notamment Paula Fürstenberg, alors que l’amitié représente, selon elle, "la forme de relation la plus durable, la plus à même de surmonter les crises", peut-être dit-elle parce qu’elle "échappe aux prescriptions sociales", parce qu’elle peut "rassembler aussi bien deux personnes que cinquante", parce qu’elle est "polygame par nature, et n’est donc pas censée combler les moindres attentes et besoins d’une seule et même personne".

L’amitié, cette forme de relation dont le philosophe André Comte-Sponville affirmait sur France Culture, prenant en exemple l’immense amitié qui unissait Montaigne et La Boétie, qu’elle est "spontanée et irrésistible comme la passion et en même temps volontaire et active comme la vertu." 

Un mode de vie

En France aussi certains réclament un ministère de l’amitié, comme le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, qui partage avec Paula Furstenberg l’idée que beaucoup de personnes se sentent en décalage avec "les cadres institutionnels qui orientent l’existence", et qu’une égalité de traitement entre l’amitié et le mariage permettrait de résoudre les problèmes de la solitude qui rongent nos sociétés. Dans son livre 3 : une aspiration au-dehors, Geoffroy de Lagasnerie raconte la relation qui l’unit à Édouard Louis et Didier Eribon. Il explique comment cette relation amicale est devenue un mode de vie, un cadre d’émotions et d’expériences partagées. Et citant Jacques Derrida pour qui "la politique accomplit son œuvre dans le progrès de l’amitié", lui aussi invite les responsables politiques à envisager sérieusement la mise en œuvre d’une politique publique de l’amitié.

Créer des allocations amicales

D’ailleurs comme l’explique Paula Furstenberg, en Allemagne, le gouvernement devrait prochainement créer un nouveau statut de "communauté de responsabilité", qui permettra aux amis de partager certains droits, comme l’accès au dossier médical d’un ami en cas d’hospitalisation. Rien de révolutionnaire cependant pour Paula Furstenberg qui appelle à aller plus loin, en repensant les règles fiscales, ou celles de l’héritage, à l’aune de l’amitié ? Quand Geoffroy de Lagasnerie propose, lui, de créer, par exemple, des allocations amicales, ou en permettant les rapprochements d’amis dans la fonction publique, comme cela existe pour les conjoints.

Si ce n’est pas demain que l’amitié se retrouvera sur un pied d’égalité avec les sacro-saintes institutions du mariage ou du couple, sans doute mérite-t-elle au moins le début d’un cheminement, d’une réflexion, en vue d’inventer, pourquoi pas, une autre manière d’exister ? 

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