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Dans la peau du gazoduc Nordstream 1

Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu au cœur de l'actualité.

Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Lubmin, Allemagne, départ du gazoduc Nordstream sous la Baltique (STEFAN SAUER / DPA)

Je suis Nordstream 1, le principal gazoduc fournisseur de gaz russe en Europe. Opérationnel depuis 2011, je mesure 1 224 kilomètres de long, reliant les champs gaziers sibériens au Nord de l’Allemagne.

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Le gaz est ensuite acheminé vers les autres pays européens. Enfin, d’habitude, car depuis quelques jours Moscou a vidé mes tuyaux et je ne transporte plus rien. Officiellement d’abord à cause d’une panne de turbine, avant de dire les choses clairement : moi, Nordstream 1, je suis devenue une arme économique et politique. Il n’y a qu’à voir cette vidéo diffusée il y a quelques jours par la société gazière russe Gazprom : on y voit un technicien russe me couper le gaz, avec cette légende "L'hiver sera long."



Voilà ce que je représente aujourd’hui : la menace d’une Europe plongée dans le froid et l’obscurité. Mais tout ça ne me réjouit pas, car je n’ai pas du tout envie de connaître le même destin que mon frère jumeau NordStream 2, mort-né au début de l’année à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Que faire si ça continue ?

Problème : on ne peut pas vraiment se passer de moi. Il faut savoir que je délivre chaque année 55 milliards de mètres cubes de gaz. Pour vous faire une idée, la consommation annuelle moyenne en Allemagne, c’est 100 milliards de mètres cubes. Et il n’est pas vrai de dire que la France n’est pas dépendante de moi. Même si les dirigeants européens assurent que l’approvisionnement est sécurisé, on voit bien avec quelle urgence ils cherchent d’autres sources d’approvisionnement. Entre la Grande-Bretagne qui veut lever l’interdiction de la fracturation hydraulique, l’Allemagne qui rouvre ses centrales à charbon, les importations d’Azerbaïdjan sans parler du GNL américain qui afflue en Europe...

Alors, vous allez me dire qu’avec tout ça, vous parviendrez bien à vous passer de Nordstream1 ? Et bien non, ça ne suffira pas. Même l’agence internationale de l’énergie le dit. A long terme, la seule solution, ce sera d’investir massivement dans d’autres sources d’énergie. Et, à court terme, il va falloir beaucoup baisser le chauffage.

Et, au fait, que devient le gaz que je transporte d’habitude ? Gaspillé, dispersé, claqué…La Russie n’a pas les moyens de stocker ces millions de mètres cubes de gaz que je transporte en temps normal. Alors, en attendant la construction éventuelle d’un nouveau gazoduc entre la Russie et la Chine pour me concurrencer le gaz est torché, brûlé tout simplement. En clair, le gaz qui aurait dû servir à chauffer vos maisons ne servira qu'à réchauffer.... la planète.

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