Crise du logement : les "Tanguy" sont de plus en plus nombreux

Le nombre de jeunes adultes vivant encore chez leurs parents est en augmentation. La faute aux loyers trop élevés et aux contrats précaires.
Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Selon une étude, publiée le 16 mai par la Fondation Abbé Pierre, les "Tanguy" les jeunes adultes vivants encore chez leurs parents sont de plus en plus nombreux en France, presque cinq millions, c’est-à-dire 250 000 de plus qu’en 2013. (Photo d'illustration) (MASKOT / DIGITAL VISION)

Le terme "Tanguy" vient du film du même nom, d'Etienne Chatiliez, sorti au cinéma en 2001. Cette comédie racontait donc l’histoire de Tanguy, un enseignant diplômé de Science PO et de l’ENS qui prépare une thèse sur le concept de subjectivité en Chine.

Ce presque trentenaire a pour particularité de ne pas vouloir quitter le nid familial. Au point que sa mère finisse par consulter un psychiatre pour lui expliquer ses rêves de mutilation sur son fils, tandis que son père dévisse sournoisement une vis de la barre de seuil de la salle de bains pour qu’il se blesse en marchant pieds nus.

Selon une étude, publiée le 16 mai par la Fondation Abbé Pierre, les "Tanguy" les jeunes adultes vivants encore chez leurs parents sont de plus en plus nombreux en France, presque cinq millions, c’est-à-dire 250 000 de plus qu’en 2013.

Cette hausse reflète surtout le plus grand nombre de jeunes en France, car les "Tanguy" d’aujourd’hui sont les enfants du petit baby-boom de l’an 2000. Cependant, il ne s'agit pas uniquement d'un phénomène démographique, car si les jeunes sont toujours plus nombreux à rester chez leurs parents, ce n’est pas par manque d’autonomie, mais tout simplement parce qu'ils ne trouvent pas de quoi se loger.

Victimes de la crise

Les "Tanguy" sont donc, malgré eux, victimes de la crise du logement, pour ne pas dire de la crise tout court. Les loyers sont trop élevés, les salaires sont trop bas, et les contrats sont précaires. La plupart d’entre eux n’ont fait ni Science Po, ni l’ENS. Les jeunes adultes veulent toujours, autant qu’avant, accéder à leur propre logement, quitter le nid, et voler de leurs propres ailes, mais ils le peuvent de moins en moins.

D’ailleurs, ils sont aussi très nombreux à être non pas des "Tanguy", mais des "Boomerangs", de jeunes adultes ayant tenté de quitter le nid avant d’y revenir confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle ou au chômage.

Ils sont également nombreux, environ 600 000 personnes, à être contraints d’être hébergés, pour le même genre de raisons non par des parents, mais par des proches, des cousins ou des amis. Un phénomène qui dépasse donc très largement les "Tanguy", qui n’ont peut-être jamais existé ailleurs qu’au cinéma ou alors à la marge.

Les chiffres affolants de la Fondation Abbé Pierre sont surtout le reflet d’une société qui entame toujours davantage ce que les jeunes adultes ont de plus précieux, c’est-à-dire l'autonomie, la capacité à construire sa vie et à s'inventer ou se réinventer. Une société, qui, en précarisant les individus, sacrifie la capacité de chacun de décider librement de son sort et qui, ce faisant, se sacrifie tout entière.

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