Culture d'info. Stéphane Brizé, cinéaste : "Le discours d'Emmanuel Macron est culpabilisant"
Le cinéaste, auteur de "La Loi du marché" et de "En guerre", soutient le mouvement social contre la réforme des retraites.
Le réalisateur Stéphane Brizé à qui l'on doit En guerre et La Loi du marché est l'invité de Thierry Fiorile. Il dénonce le "discours culpabilisant" du président de la République, Emmanuel Macron, et les paradoxes entre parole politique et réalité économique.
franceinfo : Que vous inspire l’attitude du président de la République ?
Stéphane Brizé : Dans le symbolique auquel le gouvernement et Emmanuel Macron s’attaquent, c’est cette idée du "être ensemble", de l’idée du partage. Le discours est très culpabilisant.
Le système n’est jamais remis en question, c’est toujours l’incapacité des gens qui est mise à l’œuvre.
Stéphane Brizé
Des mathématiques que j’apprenais à l’école, je ne me souviens pas de grand-chose, mais si au départ l’axiome est faux, même si la démonstration est juste, le résultat sera faux. Le système dysfonctionne, et c’est ça, c'est l’axiome de départ, et on construit un développement sur ça, sans jamais ré-interroger ce système.
De la même manière quand Macron dit qu’il se battra au quotidien, pied à pied contre chaque idée de Marine Le Pen, elle est la conséquence de sa politique. Il était adolescent quand cette politique-là est née. Mais il y a un lien entre le monde qu’il construit et les scores hallucinants du Rassemblement National. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que c’est quelqu’un qui joue avec le feu ? Qui s’arrange pour que le Rassemblement National progresse, car il pense que c’est le seul moyen de rester au pouvoir ?
Moi si j’étais scénariste, je me dirais que c’est un mec cynique. Je suis assez tragiquement pessimiste sur l’issue de tout cela.
Le Rassemblement National, le fascisme au pouvoir, ça peut largement arriver. C’est arrivé et ça arrive dans d’autres pays, pourquoi on y échapperait ?
Est-ce que Emmanuel Macron dresse les Français les uns contre les autres ?
Stéphane Brizé : Oui, objectivement. Avec ce discours très culpabilisant, quand il ose dire les Français ne sont pas assez optimistes, parler d’optimisme à l’heure où on est en train d’imposer une réforme des retraites aussi violente, je trouve très indécent d’employer ces mots-là. Il dit, on est obligé de le faire...Pourquoi les caisses sont-elles vides ? Si on fait disparaître des milliers, des centaines de milliers et des millions d’emplois, inévitablement il y a moins d’argent qui entre dans les caisses.
La redistribution depuis des dizaines d’années, de plus en plus importante, des dividendes aux actionnaires, au détriment d’une revalorisation des salaires, mécaniquement, pas besoin d’avoir fait bac plus sept, pour comprendre que c’est des cotisations en moins.
Stéphane Brizé
On peut aussi évoquer l’évasion fiscale qui fait que moins d’argent entre dans les caisses de l’État, tout ça fait que les caisses ne sont pas assez remplies, mais la faute à qui ? Ce n’est quand même pas la faute des salariés. Et évidemment quand ça craque, la colère génère quoi ? De la violence, et cette violence surgit parce qu’il s’est passé quelque chose avant, et c’est là que le documentaire, la fiction peuvent raconter l’image manquante. L’image que beaucoup de médias ne montrent pas, est-ce qu’ils ne peuvent pas, est-ce qu’ils ne veulent pas ? Je ne sais pas ce qui est à l’œuvre, mais il y a la nécessité de la fabriquer cette image manquante. C’est une des vertus de la création, c’est la puissance de la fiction et du documentaire.
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