Steeltech, une renaissance inespérée
Guy Zins a 22 ans quand, en 1987, il entre comme jeune ingénieur chez
Steeltech. L'usine de Sarreguemines propriété d'un grand groupe allemand, fabrique des pièces d'acier qui permettent aux mineurs de creuser des galeries.
En 2006, les dernières mines de Lorraine ont fermé. Le groupe décide de se
séparer de son site lorrain. Il le vend à un fonds de pension allemand qui, en
quelques mois, pille, assèche sa trésorerie avec un seul objectif : les
bénéfices. Ce fonds de pension ponctionnera 9 millions d'euros au total. Les
caisses sont rapidement vidées. La fermeture annoncée comme très proche. Mais
Guy Zins, qui en 20 ans a gravi les échelons et connaît les comptes de
l'entreprise, ne s'y résout pas. Il sait que l'activité est viable. Il propose un
plan de reprise que le tribunal de commerce validera.
"Nous n'avions rien. Nous n'avions que nos idées" Guy Zins
"C'était presque un coup de sang. La réflexion a dû se faire en 24 heures.
C'est sur mes épaules que ça reposait, j'ai mis tous mes biens en caution
personnelle, mais c'est le soutien des salariés qui m'a fait franchir le pas.
J'ai dit banco, je suis allé au tribunal déposer un dossier et je l'ai défendu.
L'union a fait la force. On a réussi grâce à notre courage à renverser un groupe
côté en bourse avec un demi-milliard d'euros de chiffre d'affaires alors que nous
n'avions rien. Nous n'avions que nos idées", rappelle Guy Zins.
L'homme, soutenu par deux cadres particulièrement, et par l'ensemble des
salariés a eu de l'audace en 2007. Cet épisode a beaucoup marqué l'entreprise. "Ca s'est déclenché comme une révolution, rien n'était vraiment préparé mais
la contestation était ferme, vive, directe et spontanée. Et ça venait de tout le
monde, du soudeur à la comptabilité, de l'ouvrier au cadre" , se souvient Henri
Kirch, responsable d'une des unités de production.
Bruno Herrmann agent de maitrise rit quand il repense à cette petite
révolution mais se souvient avoir commencé par pleurer. "Quand les copains m'ont
téléphoné, ils m'ont dit demain on ferme. Je me souviens j'avais les larmes aux
yeux. Du coup quand Guy a décidé de tenter une dernière opération en reprenant
la société, ça a été une sacrée belle surprise. Un coup audacieux. Nous avons
été derrière lui, nous n'avons rien lâché parce qu'on avait tous la même volonté
de sauver les emplois", explique-t-il.
Pas un modèle capitaliste pur
Et les emplois seront en effet tous conservés. Le chiffre d'affaires a même
doublé en 5 ans, et 70 nouveaux collaborateurs ont été embauchés. Steeltech
investit dans de nouvelles machines, fait de la veille scientifique, cherche de
nouveaux débouchés, diversifie ses clients en Australie, aux Etats unis, en
Asie. "Toutes ces pièces que vous voyez là sont destinées à nos clients chinois.
Ce matériel va finir dans des mines chinoises" , explique Guy Zins heureux de
faire visiter ses ateliers.
"Nous fabriquons l'équivalent d'une tour Eiffel par an. Nous sommes une
entreprise, nous cherchons forcément à prospérer et donc à avoir du résultat,
mais on n'a pas un modèle capitalistique pur. Nous ne recherchons pas une
croissance forcément énorme. Avec 2 ou 3 % de croissance, ca suffit déjà à se
développer, à bien vivre. Et encore, cet argent, on le réinvestit. On ne se le
reverse pas, parce qu'on veut encore être là dans 10 ans. On a des ambitions
assez simples", ajoute l'ingénieur devenu PDG.
Gouvernance partagée
L'autre grande nouveauté depuis la reprise de l'usine, c'est la gouvernance
partagée. Guy Zins a très vite cédé 33 % de l'entreprise aux salariés, devenus
donc actionnaires. "Cela a changé beaucoup de choses positivement", commente
l'agent de maîtrise Bruno Herrmann.
"Je me souviens du jour où il a proposé à tout le monde de devenir
actionnaire. On a fait une grande réunion avec tout le personnel à la cantine.
On a dit oui, on se sent plus impliqués depuis. On sait qu'on est associés aux
décisions stratégiques maintenant. C'est vraiment bien", explique ce
quinquagénaire.
"Il y a eu un avant et un après la reprise, ça s'est ressenti dans le
fonctionnement. Le fait d'avoir vécu ensemble cette histoire assez dure, on se
comprend mieux, on se parle plus, il y a une plus grande synergie entre tous les
salariés", renchérit Henri Kirch, le chef d'atelier.
Chez Steeltech, tout le monde s'appelle par son prénom. C'est le tutoiement
qui domine même avec les responsables. On observe une ambiance de PME familiale
dans une entreprise de 240 personnes. Cette réussite est souvent citée en
exemple, comme la voie à suivre pour sauver l'industrie et les emplois en
Lorraine.
Pour en savoir plus :
Les hommes qui ont dit NON , livre écrit après la reprise de la société par
les salariés (Steeltech et Anne Cornet). Porcelette : Éd. Synchro , impr. 2008.
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