Le papier, version recyclée

Le village d'Evergnicourt à trente
kilomètres au nord de Reims est très calme. Mais entre vignes et champs, on
découvre une grande usine où l'on pénètre en traversant la "cour des vieux
papiers". Des ballots de papier sont entreposés là par centaine, formant
de gigantesques colonnes. "Désolé 
c'est très encombré, c'est un peu le bazar, mais ici c'est toujours
ainsi ", s'amuse Yves Strub le responsable.

Ces vieux papiers en ballots, ce
sont les matières premières de l'usine. Ils viennent de tous horizons. "Ici
nous avons des pages de bouquins, sans doute des livres mal imprimés. Là, des
rognures qui doivent venir d'un papetier. Et puis de ce côté, ce sont des
chèques bancaires en confettis qui viennent directement de la banque de France "
détaille le maitre des lieux. Entre autres déchets papier, il a aussi déjà eu
des tonnes de chèques restaurants usagers ou des formulaires administratifs
périmés.

Comme
une pâte à gâteau

Ces papiers défilent sur un tapis
avant d'être versés dans d'énormes machines ressemblant à des bétonnières où
ils sont purifiés, débarrassés de toutes traces de plastique ou de métal, comme
les agrafes par exemple.

Réduits à l'état de fibre, ce papier
est mélangé à de l'eau. "Cela forme une pâte, comme
une pâte à gâteau ", décrit Eric Burette chargé de superviser l'étape
suivante de la production : la machine à papier qui mesure 80 mètres de long. "La pâte est étalée sur une
table de fabrication puis est passée entre différents rouleaux pour la presser" ,
commente-t-il.

Une énorme soufflerie permet ensuite
de sécher ce papier. L'étape de l'amidonnage intervient alors : il s'agit de
"re-surfacer" le papier grâce à de l'amidon provenant de pommes de
terre. Ainsi ce papier ne sera pas du papier buvard, mais on pourra au
contraire bien écrire dessus. L'usine fabrique environ pour moitié
du papier blanc, mais aussi du papier coloré. Des centaines de coloris sont
produits sur place.

 En sortie de machine, on découvre
d'énormes bobines de 5 tonnes de papier. Elles sont destinées à différents
clients français et allemands. Certaines sont reformatées avant de partir en
imprimerie. Une partie enfin de la production 
va directement au groupe Clairefontaine-Exacompta, dont l'usine
d'Evergnicourt est une filiale.

Des
chemises de toutes les couleurs 

Dans le hall à côté de la machine à
papier, se trouve d'ailleurs un atelier de transformation où sont découpées,
pliées et empaquetées des chemises de tri. "Rouge, vert, fuchsia, bleu,
jaune... Nous en avons de toutes les couleurs. Il faut juste ajuster la chaîne
d'assemblage en fonction des commandes des clients", explique Valérie,
l'une des 135 salariés du site préposée à cet atelier. Comme tous ses
collègues, elle travaille en trois-huit, la nuit comme le jour.

Yves Strub le patron du site n'est
pas peu fier de poser au milieu de ses rouleaux de toutes les couleurs, mais à
l'entendre, la plus grande prouesse réalisée ici c'est le papier blanc.

"Les consommateurs sont de
plus en plus friands de papier recyclés. Mais ils veulent tout à la fois parce
qu'ils réclament aussi des ramettes et des cahiers aux pages toujours plus
blanches. Alors, on doit travailler beaucoup pour éliminer au maximum les
petites traces de gris, les petits points noirs, qui sont la signature du
papier recyclé, mais que les clients ne tolèrent pas vraiment ",
explique Yves Strub.

Ne lui dites pas que le papier
recyclé est forcément beige ou jaune et peu épais. Cela l'agace au plus haut
point, lui qui se dit très fier de son papier baptisé "l'extra
blanc". "Sans mauvais jeu de mot, ce papier-là n'a pas à rougir à
côté du papier non recyclé. Il est très beau et je vous mets au défi de faire
la distinction entre les deu x", dit le responsable.

Papier couleur ou papier blanc, 40.000
tonnes de papier sont produites ici chaque année. Pour être cohérent dans son
respect de l'environnement, le site n'utilise plus de fuel depuis quatre ans
pour produire son électricité. Des chaudières à bois biomasse ont été
installées. Histoire que l'usine et le papier qui en sort mérite jusqu'au bout  le label du "papier écologique" :
un label allemand, un petit ange bleu sur fond blanc.