La précarité, terreau idéal pour l'insécurité
La région de Méru a un passé très
florissant d'un point de vue économique. Au début du XXème siècle, la zone
était même riche, et cela grâce aux "boutons de chemise". Méru
se fait d'ailleurs encore appeler aujourd'hui
la "capitale de la nacre". En 1900, pas moins de 10 000
boutonniers vivaient de cette industrie.
"On recevait les coquillages dans d'immenses toiles de jute, en
provenance de Tahiti, d'Australie, des Fidji notamment. Du port du Havre, cela
arrivait ensuite par train jusqu'à Méru. Et à partir de ces matières premières,
on fabriquait ici des milliers de petits boutons. On taillait des pions de
nacres, puis on les perçait de 4 trous. Ils étaient prêts pour les être cousus
sur les chemises" , raconte Jacky Didelet, guide au musée de la Nacre
de Méru.
Plusieurs entreprises ont fermé
Il est le dernier boutonnier de
France. En 1957, le plastique a fait son apparition. Peu couteux, simple à
façonner, il a vite remplacé la nacre. La mode durable des fermetures éclairs a
achevé de tuer cette industrie du joli bouton de nacre. Les derniers ateliers
ont fermé au début des années 2000.
Plus récemment, d'autres entreprises
renommées ont quitté Méru : les stylos Parker et Worthington Creyssensac, fabriquant belge de
compresseurs. "Après la fermeture
du site Creyssensac, on nous avait promis de nouveaux emplois, payés autant et
dans la même zone. Evidemment c'était faux, archifaux !" , se
lamente Willy 56 ans. Il a fait partie des 115 derniers licenciés après 37 ans
de maison.
Difficulté de se reconvertir
"Moi et mes collègues, on était mécaniciens monteurs. On ne sait rien
faire d'autres. Mais le problème c'est que plus personne ne recherche de
mécaniciens monteurs aujourd'hui dans l'Oise. L'industrie est devenue
complètement sinistrée à Méru" , ajoute le quinquagénaire qui craint
de ne jamais retrouver d'emploi et s'apprête à tenir jusqu'à 62 ans grâce à ses
économies et la solidarité familiale.
Willy et ses anciens collègues ont
accepté de "retourner à l'école" :
ils ont suivi deux stages de deux mois et demi intitulés "Réapprendre à
écrire et à lire". Mais il est très difficile de réapprendre, de se
reconvertir complètement, de changer de métier à 55 ans passés.
Des séniors qui n'arrivent pas à
retrouver un emploi, des jeunes qui peinent à entrer sur le marché du
travail : la conséquence inéluctable c'est un chômage qui atteint 19 % à
Méru. Dans le quartier dit "sensible" de la Nacre, il dépasse même
les 45 %.
La précarité, terreau idéal pour la déliquance
Les plus jeunes et les moins diplômés comptaient beaucoup ces
derniers temps sur les missions d'intérim des équipementiers auto comme
Faurecia, mais la chute des ventes de
voitures n'épargne pas ces sites.
À la sortie du pôle emploi de Méru,
la moyenne d'âge n'est pas élevée. Il y a de jeunes diplômés comme Julie qui
réfléchissent sérieusement à quitter le secteur de Méru pour partir s'installer
à Cergy-Pontoise, ou même à Paris où les opportunités d'embauche sont un peu
plus importantes.
Les travailleurs sociaux pointent du doigt cette pauvreté, cette
précarité comme un terreau idéal pour la délinquance et les flambées de violence.
"La problématique principale qui
engendre les autres problématiques comme l'insécurité ou le petit trafic, c'est
la précarité, le manque de ressources, le manque d'accès aux choses
fondamentales comme les soins. Quand on voit qu'on a fermé les urgences à Méru,
on se dit que ça c'est une décision violente car dramatique de conséquences" ,
commente Samir Bousnina, le directeur du centre social de Méru.
Selon lui, c'est en faisant la
guerre à la précarité, en faisant baisser le chômage qu'on réduira les
problèmes de délinquance. La Croix Rouge de Méru dit avoir
ressenti l'accentuation de la précarité ces dernières années : environ 500
personnes se présentent chaque semaine pour les distributions de bons de
nourritures, et de vêtements.
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