La mafia prospère dans l'Italie du sud aux dépens des enfants déscolarisés
À Barra, l'un des quartiers populaires de Naples, ce n'est que trottoirs défoncés, poubelles qui débordent, et des centaines de petits commerces où travaillent les "piciotti". Ils ont entre 11 et 16 ans, on les voit dans les bars, les épiceries, les marchés ou les chantiers. Des "emplois" simplement payés entre 30 et 70 euros par semaine. Pasquale a commencé à 11 ans dans la charcuterie de son oncle :
"Je portais les sacs des clients, je rangeais les rayons, je faisais ça tous les jours, même le dimanche matin. Je le faisais pour m'acheter des jeans, pour sortir le samedi avec mes copains. Franchement, je préfère travailler que d'aller à l'école. Si ça paie bien, ça vaut la peine."
Les jeunes comme Pasquale commencent à travailler après l'école, puis ils manquent un jour ou deux, puis une semaine complète. Au collège du quartier, la moitié des élèves ont été absents plus de 100 jours dans l'année. Impossible de les exclure, sinon les classes seraient vides...
L'école et les services sociaux dépassés
"Souvent, la seule solution, c'est d'appeler les gendarmes" , dit Giovanni Savino, éducateur : "L'école et les services sociaux n'ont plus de moyens : ça fait des mois que les éducateurs ne sont plus payés. L'État est en train d'abandonner ses enfants."
À Naples, l'une des villes les plus pauvres d'Italie, qui compte 25 % de chômage, la crise économique a précipité les familles dans la pauvreté, et le travail des mineurs s'est intensifié. Le père Luigi Merola, président de la Fondation "A voce de creature" accueille les enfants en difficulté :
"Soixante-dix pourcents des familles qui nous envoient leurs enfants n'ont plus aucun revenu. La crise est plus grave que ce qu'on imagine, parce qu'elle renforce la criminalité organisée. La Camorra, qui a beaucoup de liquidités, donne de l'argent pour payer les loyers, les factures."
Et elle paie aussi les enfants. Comme les gamins ne vont plus à l'école, parce qu'ils doivent travailler, ils deviennent une cible parfaite. La Mafia les appâte avec de l'argent facile, et de fil en aiguille, elle en fait ses futurs "soldats".
Dans ces quartiers de pauvreté économique et culturelle, convaincre les familles que l'école a un sens reste difficile. Selon les statistiques officielles, dans toute la Campanie 54.000 enfants de moins de 16 ans (l'âge de la scolarité obligatoire) ont aujourd'hui quitté les bancs de l'école.
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