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Guyane : une jeunesse en quête d'avenir

En Guyane, 40% des moins de 30 ans sont au chômage. Un chiffre impressionnant lié à la fois au très fort taux de fécondité et au manque de diplômes. Beaucoup de jeunes partent aussi faire leurs études en métropole et ne rentrent pas forcément. D'autres tentent de faire bouger les choses sur place. Rencontre avec cette jeunesse guyanaise.
Article rédigé par franceinfo
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Comment imaginer son futur dans ces conditions ? En Guyane, le taux de chômage est deux fois supérieur à celui de la métropole et ce sont les jeunes les premiers touchés : 40% des moins de 30 ans sont au chômage. Il faut dire qu'ils sont très nombreux, puisque dans le département, le taux de fécondité est aussi deux fois supérieur à la moyenne française (3,5 enfants par femme contre 2,1 en métropole).

Devant les bâtiments neufs de l'université de Cayenne, Nadine, 24 ans, espère que l'emploi "va s'améliorer ". Elle s'inquiète notamment de tous ces jeunes qui "partent et ne reviennent jamais, du coup la Guyane n'avance pas et on aide les autres pays à avancer ". Ils sont en effet nombreux à aller étudier ou travailler en métropole.

Mon rêve ? "Fonctionnaire"

Sivory, 21 ans, en deuxième année Administration économique et social, s'imagine lui dans dix ans "peut-être dans une administration, comme le Conseil général ou le Conseil régional ". Il a envie d'être fonctionnaire, comme toute sa famille. Il faut dire qu'ici c'est la voie royale : 44% des Guyanais occupent un poste de fonctionnaire, soit le double de la moyenne française. Ici ils bénéficient d'une "surrémunération" de 40% destinée à compenser la cherté des prix.

"Il faut être bien entouré pour se lancer"

"Le vrai métier pour les adultes ici, c'est être fonctionnaire ", confirme Prisca, 27 ans, jeune entrepreneuse de Cayenne. "Un métier sûr, où on ne va pas être viré, on va avoir un salaire tous les mois. Alors que dès qu'on veut se lancer dans le privé, ils pensent aux bâtons dans les roues, qu'on ne va pas y arriver.. ." Mais Prisca, elle, a quand même décidé de se lancer. Il y a trois ans, la jeune femme a monté son salon d'esthétique dans la rue principale du centre-ville. Elle s'en sort aujourd'hui plutôt bien, dans son petit cabinet où elle et son père ont tout bricolé.

Prisca a d'abord fait ses études dans une école d'esthétique en métropole, avant de revenir dans "sa" Guyane, où la moitié de la population a moins de 25 ans. Selon elle, ce départ a été sa chance, mais elle reconnaît que cela n'aurait pas pu être possible sans le soutien de ses parents. "Vraiment ici il faut avoir un mental, et puis il faut être bien entouré ", dit-elle. "Les parents guyanais sont les meilleurs parents ", affirme-t-elle, et c'est peut-être bien le problème : "On vit chez notre famille, on a une chambre, la voiture de papa-maman, ici vous pouvez aller en boîte sans payer, manger sans payer. Si vos parents vous mettent bien, alors pourquoi aller travailler ? " interroge Prisca, juste avant d'accueillir une cliente dans son salon, en fait une amie venue se faire maquiller avant une soirée.

"Il faut se battre tous les jours"

Yannick, 26 ans, est le frère de Prisca, il habite juste à côté de chez elle. Photographe indépendant pour des associations, des mariages, des spectacle, il s'est mis à son compte lui aussi il y a trois ans. "Ç a a été assez difficile et ça l'est toujours, j'ai eu pas mal d'aides de l'Etat, de ma famille, mais il faut se battre tous les jours ", dit-il. 

Créer son propre emploi pour éviter le chômage, une solution choisie par les plus motivés, 70% des entreprises guyanaises n'emploient qu'un seul salarié.*** Quant aux études en métropole, Yannick a préféré s'en passer, "je ne voulais pas me lever dans le froid de l'hiver, quand il faisait nuit " dit-il, ventant les qualités de la Guyane, dont tout le monde parle ici comme d'un "pays " plus qu'un "département* ".

"Beaucoup se contente du RSA"

C'est exactement pour les mêmes raisons – "je n'aime pas du tout l'hiver " – que Payman, 31 ans, est rentré en Guyane après ses études et a créé son entreprise. Entre deux clients dans sa boutique d'optique de Rémire-Montjoli, commune toute proche de Cayenne, il explique qu'il voulait être son propre patron. Il gère aujourd'hui deux magasins, et l'affaire tourne, même si "il y a de plus en plus de concurrence ".

Et Payman lui a bien sa petite idée sur la jeunesse de Guyane, pas franchement positive : "j'ai employé beaucoup de personnes venant de métropole, et je constate en tant qu'employeur que ce n'est pas la jeunesse de Guyane qui n'a pas envie de travailler, mais la jeunesse en général ". "Aujourd'hui si on veut être sûr d'avoir quelqu'un qui a envie de travailler, on est pratiquement obligé d'employer des pères ou des mères de famille, qui ont besoin de quelque chose pour vivre ", ajoute le jeune patron qui emploie cinq salariés sur ses deux magasins.

Payman met cela sur le compte du "confort de vie en France " : "A  mon avis, beaucoup se contente du RSA, ou alors on signe un CDI et on dort sur notre Smic ", analyse-t-il. Si les jeunes n'ont pas envie de bouger, conclut Payman, "ce n'est pas la faute des gens, c'est la faute du système ". 

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