Guadeloupe : l'état d'alerte
Dès la tombée de la nuit, l'insécurité, réelle et
fantasmée, vide les rues du chef-lieu de la Guadeloupe. Ce département est
celui où le taux d'homicides est le plus important en France. Dans le vieux
centre, malgré la présence ponctuelle des gendarmes mobiles souvent cantonnés
aux contrôles routiers, pas de traces de touristes ni de lieux de vie ouverts
le soir.
Dans les quartiers du reste de la ville, les habitants
se disent aussi méfiants quand ils sortent dans la rue ou en voiture. Ils
évitent les signes extérieurs de richesse, bijoux en or, montres apparentes de
peur des vols à l'arraché. Ils choisissent aussi soigneusement les endroits et
les heures où sortir de peur des agressions. Impression désagréable de
couvre-feu à Pointe-à-Pitre.
Délinquance et homicides ont toujours été importants
dans l'île. Les raisons sont tant économiques que sociales. Mais ces derniers
mois, incivilités, violences physiques, coups de feu entre amis éméchés ou
règlements de compte entre trafiquants, se multiplient et se diffusent sur
toute l'île, hors des grandes villes. Le chiffre-clé, ce sont ces 38 homicides
à ce jour : 31 en Guadeloupe, 7 sur l'île de Saint Martin. Pas très loin du
record de 2011, 44 homicides. Des morts souvent " pour rien " qui témoignent
d'un climat de violence dans la société et interrogent aussi la volonté et
l'action de l'Etat.
Des moyens insuffisants
A Pointe-à-Pitre, dans la zone police, la brigade
anti-criminalité est l'un des maillons du dispositif de la zone de sécurité
prioritaire. Au côté de la sûreté ou de la police judiciaire, ces policiers de
terrain du commissariat sont majoritairement locaux. Ils connaissent et
couvrent l'agglomération la plus criminogène de l'île. Dans des quartiers comme
Chanzy, Vieux Bourg ou Grand Camp, ils font face aux mêmes problèmes : trafic
et usage de drogue (marijuana, cocaïne, crack, résine de cannabis), vols contre
la population et les maisons, violence de rue sous l'emprise de l'alcool, règlements
de compte entre bandes également.
"En réalité ", explique un agent de la BAC, "on
couvre une zone bien plus vaste que la seule ZSP. Avec deux patrouilles de
nuit, on doit surveiller un secteur très large jusqu'à la ville du Gosier ou
des Abymes ". Autre façon de dire que les moyens sont insuffisants. "Depuis le
passage de Jean-Marc Ayrault en juillet, un escadron de gendarmes mobiles (20 à
30 hommes chaque jour sur le terrain) nous appuie. Mais ils sont limités à la ZSP. Les délinquants
ne sont pas bêtes... ils vont plus loin ". De plus, les gendarmes n'ont qu'une
mission limitée. Fin novembre, ils reprendront l'avion sans assurance d'être
remplacés.
Face à une délinquance très dure, et désormais armée,
la police fait aussi face à des modes de délinquance importés... de métropole. "Récemment ", explique une gradée, "une fausse alerte a envoyé des
effectifs aux limites de notre zone, tandis qu'un groupe bien organisé a tapé
des commerces en ville ". Du jamais vu en Guadeloupe.
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