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Taubira, ou l'art de la révolte

L’Art de la révolte, c’est l’intitulé d’une exposition, qui se déroule à Beaubourg, jusqu’à dimanche. Videos, témoignages, installations, viennent raconter l’histoire des révoltes. Et, oh ! surprise : Christiane Taubira était là.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Christiane Taubira en janvier, deux jours après sa démission du gouvernement. © Amir Levy/SIPA)

C’était… Taubira. Mais oui… c’était Christianesque. Oui, Christiane Taubira.

Elle était là, je l’ignorais… J’avais décidé de me rendre à cette exposition, qui ne pouvait qu’enrichir les débats sur la révolte en cours… sur son sens… sur ses origines. Dans une salle de cinéma, dans ce titanesque Beaubourg, je la vois immédiatement. Elle est assise, au premier rang.

J’ai 10 minutes de retard. Elle… non. Elle est donc là, notre ancienne ministre de la Justice, dans cette salle sombre. Elle est là, la frondeuse, la femme, la révoltée…

Silencieuse, concentrée

On nous parle des fractures de notre monde. On nous parle de ce que les médias appellent  "les migrants".

Achille Mbembe, prof de science politique en Afrique du Sud, nous décrit cet enjeu des migrations à affronter, collectivement, et impérativement. Car, au-delà des images tragiques d’enfant à la mer, c’est l’histoire d’un repeuplement du monde qui se joue.

Je regarde Christiane. Elle est vissée à son siège, le regard aiguisé. Le professeur poursuit, sur l’ici et l’ailleurs : autre fracture de notre monde. "On ne peut plus raisonner ainsi, dit-il. Avec la planétarisation, notre monde à nous est devenu tout petit… Il faut s’ouvrir, pour arriver à mieux habiter ensemble…"

Je la regarde, de nouveau. Elle qui a combattu et quitté le gouvernement, à cause de la déchéance de nationalité. Autant dire que, sur les fractures, elle en connait un rayon.

Achille Mbembe conclut : "Nous devons partager le monde, car nous n’en avons qu’un." Bim ! ça, c’est dit ! Sans détour. Dix minutes décapantes. 

Je vois Christiane prendre sa veste. Je la suis.

"Je me donne 3 mois"

Moi : "Comment allez-vous ?" Elle, grand sourire : "Très bien".

Moi : "Ça vous a intéressé ?"

Elle : "Oui bien sûr… mais le propos des intellectuels aurait mérité qu’on entende un peu la salle…"

Taubira… toujours en quête du mélange des idées : sa came, en tant que droguée des mots.

Nous marchons, à travers l’exposition. Elle regarde des hommes, en train de résister à des lances à eau. 

Moi : "Vous revenez quand en politique ?"

Elle : "Je me donne 3 mois."

"3 mois pour quoi ?"

"3 mois, pour décider."

"3 mois, pour décider de quoi ?"

"Je me donne 3 mois."

Fin d la conversation. Avec un grand sourire, elle file. Christiane Taubira part à Florence parler de liberté... chercher les mots… Et préparer, sa prochaine révolte.

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