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"Ne rien lâcher"

Nouvelle journée de mobilisation des étudiants ce jeudi. Des lycées et facultés ont été bloqués. Ils étaient dans la rue cet après-midi, partout en France. Même les élèves de Prépa.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Des milliers de jeunes ont défilé ce jeudi dans les rues de Paris © MaxPPP)

C’était…une bataille. De pancartes ! Et j’ai joué à: Qui a écrit la meilleure ? Après tout, ce sont des étudiants. 

Ils sont là pour chercher LE mot, LA formule, pour réfléchir, inspirer. Car ils sont, nous dit on, l’avenir du pays. 

Agenouillée au milieu de la place de la République, une jeune fille se creuse la tète

Un gros feutre a la main, elle est bien entourée

Tous ses copains sont là

Tous viennent d’une Prépa littéraire, dans Paris

Ils incarnent l’avenir des Lettres et du savoir

Moi :  "Alors ? Vous trouvez ?"

Elle : "Oui oui on VA trouver !"

Un de ses copains : "Allez, balance du Spinoza !"

Moi : "Hein ? Vous rigolez ? Dans une manif ?"

Lui : "Ben on a un rang à tenir madame"

Il se marre. Nina, toujours à terre, alors que la place est bien pleine…

"Enrichissez nous"

"J’ai trouvé ! Enrichissez nous ! On va écrire ça !"

Moi : "Mouais… pas terrible"

Elle : "Mais si mais si. Et j’ajoute Hashtag Guizot"

"Hein ?" Ca c’est sa copine, celle qui la prend en photo : "Guizot ? arrêtes! Personne ne sait qui c’est"

Voyons voyons… Guizot, qui créa en 1833, l’école primaire obligatoire. Guizot, celui qui rendit, populaire l’instruction. 

Celui qui propulsa au premier rang de la vie, la nécessité vitale d’apprendre, tout petit déjà. Fastoche Guizot, et son combat pour l'école a tout prix. 

Nina va alors tout gâcher

Alors que je vois défiler, tout autour, des pancartes avec le désormais classique : On lâche rien ! »  Ou « on vaut mieux que ça", Nina dessine frénétiquement un Dollar, sur son carton

L’un des copains rit aux éclats

Elle : "Et j’ajoute hashtag oseille !"

Lui : "Ben c’est sûr, on est en prépa, tout le monde sait qu’on veut en gagner  !"

Sa copine : "Naaaaaaan, tu peux pas écrire ça ! C’est vraiment pas classe"

Tous se mettent à crier (enfin, pas trop fort, la Cgt est juste derrière… et veille au grain de bon vieux : "sur les trottoirs, les dictateurs")"

" Votez Louis Blanc ! Ledru Rollin reviens !"

Ou encore : "Vive les Orléans !"

"La nuit c'est fait pour baiser, pas pour travailler"

Et j'entends: "Vive l’empereur !"

Moi : "Heu…. peut-être pas non"

"On rigole ca va… bon, on n’est pas très inspirés c’est sur. On n'a pas l'habitude"

Moi : "Bon, ben, faut vous dépêcher, le cortège redémarre"

Eux : "Mais nous, on n’est pas pressés, on a toute la journée pour fabriquer notre pancarte"

En pendant ce temps, les autres pancartes continuent de défiler : "retrait du projet "… "Non au démantèlement du code du travail"

Alors que j’entends, au loin : "El Khomry, au RMI ! Pierre Gattaz au RSA ! "

Tiens, celle-ci, elle est pas mal...

D’ailleurs les photographes se jettent sur elle, et sur la fille qui la porte (jolies épaules larges, jean troué, et beau sourire)

On peut lire : "La nuit, c’est fait pour baiser, pas pour travailler !'

(Obligée de dire les mots, désolée pour les oreilles fragiles)

Nina la dévisage : "Mouai, c’est pas très original comme idée… un peu vulgaire même"

Un cortège uni… avec en arrière-cour, une bataille des genres. 

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