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"Ça redonne une sorte de cohérence à toute sa vie" : à la rencontre de Claire Liagre, biographe hospitalière

Tout l’été, franceinfo vous fait découvrir des métiers étonnants ou méconnus à travers la chronique "C'est vraiment ton boulot ?". Mardi 25 juillet : le métier de biographe hospitalier, avec Claire Liagre.
Article rédigé par franceinfo, Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 267 min
Claire Liagre en pleine séance de biographie avec Ghislaine, 63 ans. (JEROME JADOT / FRANCEINFO)

"J'ai l'impression qu'on est deux copines ", confie Ghislaine. La sexagénaire souffre d'un cancer du poumon. C'est déjà la dixième fois que Claire Liagre s'assied face à elle lors d'une de ses séances d'immunothérapie, au cœur du service oncologie de l'hôpital Louis Pasteur de Chartres, pour recueillir ses souvenirs. "J'ai tellement de choses à raconter !"

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Face à Ghislaine, bloc sur les genoux, Claire Liagre écoute, et prend tout en notes. "Papa, c'étaient les tartes aux pommes. Tous les dimanches, il nous en faisait une, avec la pâte maison, et nous, les enfants, on était tous les enfants autour pour pouvoir manger les petits morceaux de pâtes qui restaient", se souvient la patiente. Réminiscences d'enfance, moments de joie, passage à vide. Claire Liagre écrit, questionne, replonge Ghislaine dans sa propre vie. 

"Je revis ma jeunesse, la belle vie que j'ai vécue. Quoi de mieux ? C'est trop beau. Si je n'avais pas été malade, je n'aurais jamais imaginé faire un jour une biographie."

Ghislaine

à franceinfo

Cette biographie est ici vraiment considérée comme un soin parmi les autres, financée directement par l'hôpital ou par des mécènes. Claire Liagre, ancienne journaliste, en rédige depuis un an et demi. "Les personnes arrivent quand même très morcelées dans leur corps, dans leur âme, raconte-t-elle. Donc le fait comme ça de pouvoir se raconter, c'est se reconstruire, c'est se dire 'ma vie, c'est vraiment quelque chose. Oui, j'ai un sens de l'humour. Oui, j'ai fait des choses. Oui, j'ai été résiliente dans des moments qui me semblaient complètement perdus quelque part.'"

À la fin, un livre "pour que l'amour soit convocable"

Ces récits de vie prennent ensuite la forme d'un livre reliure à la main, un papier marbré, remis au patient, ou à sa famille s'il est décédé. "C'est un objet qui traverse le temps, qui est parfois destiné à des enfants qui sont encore trop petits pour le lire, explique Claire Liagre. Il y a des personnes ici que nous suivons et qui meurent très jeunes avec des enfants en bas âge. Donc il faut un objet qui tienne, qui soit beau, une porte ouverte entre les morts et les vivants pour que l'amour soit toujours convocable par la famille."

Inventé il y a une quinzaine d'années, le métier de biographe hospitalier est désormais exercé par une vingtaine de personnes en France. L'association qui les fédère, "Passeurs de mots et d'histoire", espère en compter bientôt un par département. 

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