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C'est mon week-end. Balade "street art" à Lurcy-Lévis, en Auvergne

Cap sur le département de l’Allier. Nous partons au cœur de la campagne bourbonnaise découvrir un endroit insolite et unique au monde : Street Art City.

Article rédigé par franceinfo, Ingrid Pohu
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Bienvenue à street art city, à Lurcy-Lévis. (Street Art City)

"Vous allez ressortir soûl, sans drogue, sans alcool, ni gueule de bois, mais ivre de créativité, l’esprit tellement plus riche et libre. Je vous souhaite un merveilleux voyage…", entend-on en préambule de la visite dans une vidéo de Street Art City.

Lurcy-Lévis, bourgade de 2 000 habitants à 40 km de Moulins dans l’Allier, abrite Street Art City, un site entièrement dédié à l’art de la rue en pleine campagne auvergnate ! Notre regard est tout de suite happé par une jeune fille allongée avec des hirondelles qui volettent autour d’elle. Elle baigne dans une alcôve rosée, perchée au-dessus des nuages… Cette peinture monumentale et hyperréaliste réalisée sur un mur extérieur, est l’œuvre de l’artiste rennais Aero.

Oeuvre de l'artiste Aero. (Street Art City)

Pour un peu, on se croirait à Wynwood à Miami, le palais du Street-Art made in USA !  "On est sur le site de l’ancien centre de formation de France Télécom. Ouvert en 1982 et abandonné en 1992 et laissé sous les broussailles. On l’a racheté sans but précis. Si vous cherchez un fou, vous en avez un devant vous !"

Gilles Iniesta et son épouse Sylvie deviennent ainsi propriétaires en 2003 de 10 hectares de terrain, 7 000 m2 de bâtiments avec un hôtel de 4 étages de 128 chambres… " Et le 22 janvier 2015, donc 12 ans plus tard, ma femme en se promenant avec notre petit chien a eu un flash, une vision, elle a vu les bâtiments en couleur. Du tag, du graffiti, c’est ça que je voudrais qu’on fasse : peindre les murs comme on voit dans les villes. Elle est rentrée à la maison, elle a pris l’ordinateur, et sur Google elle a tapé ‘’graffitis’’. Et de là, tout s’est enchaîné."

Seule et unique résidence dédiée au Street-art dans le monde, Street Art City est depuis 2017 un lieu au rayonnement international. "Tout ce que vous allez voir aujourd’hui à Street Art City, intérieur comme extérieur, est l’œuvre de 320 artistes de 61 pays différents." Ces derniers restent en résidence de deux semaines à deux mois. Ils sont nourris, logés, blanchis. "Et on leur fournit l’ensemble du matériel dont ils ont besoin. L’artiste arrive avec ses vêtements et son talent, point final."

600 à 800 visiteurs se pressent chaque jour pour explorer l’hôtel. Murs, sols, plafonds, WC, placards, salles de bain : chacune des 128 chambres est investie et peinte par un artiste différent. "On a beaucoup de visiteurs qui nous disent avoir la sensation de rentrer dans la tête de l’artiste. Et c’est un peu vrai, vous allez voir… "

Dans les couloirs de l’hôtel, pas de lumière, il fait sombre. Alors on prend une lampe frontale à la recherche de pépites tels des chercheurs d’or. Et on déambule à travers quatre étages en passant d’une chambre à l’autre. "On frappe à la porte pour être sûr qu’il n’y a personne à l’intérieur. Ensuite on rentre et là, c’est la grande surprise…"

Chambre n°7, on se retrouve les pieds dans du goudron brûlé, semblant crever le ciel, un phénix au cœur flamboyant surgit soudain. Il y a le feu ! Sous les bombes de l’artiste portugais Fedor, l’oiseau renaît de ses cendres. Sensations incandescentes.

Phenix, oeuvre du street artiste, FEDOR. (Street Art City)

Chambre 123, l’artiste Snek, enfant du pays originaire d’Yzeure, a peint un homme des cavernes en train de se prendre un selfie, il évolue dans la campagne vallonnée bourbonnaise.

"Primitifs", oeuvre de Snek, artiste grenoblois. (Street art city)

Snek signe la chambre consacrée aux moines Shaolin parfumée d’encens.

La chambre des moines Shaolin, par Snek, artiste isérois. (street art city)

Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… Plus légère, chambre 96 - à l’envers ça fait bien 69 - on effeuille les marguerites recouvrant les murs, les bonbons rappellent sans doute les papillons au ventre acidulé des premiers rendez-vous amoureux. Ces peintures sont signées Hilary et Myrthe. "L’une est hollandaise, l’autre anglaise. C’est la chambre sur le thème du 5 à 7, la petite escapade amoureuse."

Chambre "Girls just want to have fun". (street art city)

Il y a aussi le regard uppercut d’un vieux pêcheur grec SDF, réalisé par l’artiste Simple G. Et celui saisissant d’une réfugiée syrienne signé par l’espagnol Asier. Étonnants aussi, les portraits réalisés au chalumeau sur des cagettes par Vincent Loisy.

Le pêcheur SDF grec signé Simple G. (street art city)

Les refusés, oeuvre de l'artiste espagnol, Asier. (street art city)

"J’aime bien quand il y a de la couleur… Entrez je vous en prie !" On peut voir des artistes à l’œuvre et discuter avec eux, dont Sézo, qui présente une expo avec des natures mortes revisitées à la sauce graffiti 2020. C’est le tout premier artiste découvert à Street Art City.

"Un lieu comme celui est très appréciable parce qu’il y a eu beaucoup de chemin parcouru surtout concernant le graffiti et le street art, explique le Lyonnais. Parce qu’au début, nous les artistes, on n’était juste vus comme des vandales, et seules la police et la justice s’occupaient de nous. Maintenant le grand public et les galeries s’occupent de nous. Les musées et les collectionneurs s’intéressent à nous."

A l’extérieur, une centaine de fresques ornent les murs. On prend conscience de l’éventail des styles, des techniques et des approches artistiques. "Vous avez du tag, du graffiti, du photoréalisme, du pochoir, du collage, de l’affiche, du lettrage… Un peu d’installation, de sculpture, du sticker : et on essaye vraiment de sélectionner des artistes dans toutes ces disciplines pour montrer au public que le street art ne se résume pas à grosso modo trois mots vulgaires sur un pan d’autoroute, mais que c’est une réelle forme d’expression artistique. Ce sont évidemment de vrais artistes. "

"Ah c’est extraordinaire ! confirme un visiteur. Je trouve que ça donne ses lettres de noblesse à l’art dans la rue, ça donne une autre idée. Quand on parle des tags avec un aspect négatif, là ce sont vraiment des artistes qui s’expriment, ce sont réellement des œuvres d’art. En plus, tout le monde peut y trouver son compte."

Alors oui, on ressort de Street Art City en état d’ébriété et d’ivresse créative…

SITE DE STREET ART CITY

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