Épidémie de goutte en Polynésie française
Direction Tahiti, avec Géraldine Zamansky, journaliste au Magazine de la Santé sur France 5. L’origine de ce voyage en Polynésie française n’est pas réjouissante, on ne parle pas de soleil, de lagons ou de sable fin, mais d'une maladie. Il s'agit de la goutte, très présente là-bas.
franceinfo : La forte présence de cette maladie, la goutte est souvent associée à l’aristocratie du XVIIIe siècle ?
Géraldine Zamansky : Et oui désolée, pas de carte postale de rêve aujourd’hui. Plutôt un tableau très inquiétant, puisque la goutte touche 15% de la population en Polynésie française. C'est 16 fois plus qu’en métropole. Une "épidémie", selon le titre de l’enquête publiée cette semaine, dans le Lancet Global Health. Encore plus grave que ce que suspectait son organisateur, le Pr Tristan Pascart, chef de service de rhumatologie de l’Institut catholique de Lille. Il avait été alerté sur l’étonnante fréquence de cette maladie, lors d’un de ses stages d’internat à Tahiti. Et aujourd’hui, cette première enquête lui permet de la préciser. Avec d’abord, m’a-t-il immédiatement précisé, une cause génétique.
Cette maladie serait causée par un gène et pas par un excès d’alcool et de nourriture ?
Et même par plusieurs gènes. Le Pr Pascart m’a d’abord présenté celui qui facilite le processus de la goutte. Il est déjà connu pour freiner l’élimination dans les urines de l’acide urique, issu de la digestion des protéines. Alors cet acide reste dans le sang en trop grande quantité. Au point de se transformer en petits cristaux qui se déposent en général d’abord dans les articulations des orteils.
Et par moments, on ne sait pas toujours pourquoi, ces cristaux déclenchent une inflammation très douloureuse. C’est la fameuse crise de goutte. Intervient alors en Polynésie, un deuxième coupable, découvert par l’équipe du Pr Pascart : un gène qui va justement faciliter cette inflammation.
Et ces gènes sont très présents parmi la population de ces îles ?
Exactement. Cette investigation précise leur implication grâce aux 874 participants qui ont passé de multiples examens, et raconté leur mode de vie. Résultats : ceux qui ont de la goutte souffrent aussi souvent de diabète et d’obésité, mais qui sont aussi en partie provoqués par leurs particularités génétiques pour le Pr Pascart. Car ils ne mangent, ni ne boivent pas plus que le groupe "témoin", sans goutte.
Le problème c’est que, là-bas aussi, cette maladie reste associée, vous l’avez dit, aux excès d’alcool et de nourriture. Dans ce climat de culpabilisation, seule 1 personne touchée sur 3 est correctement traitée, alors qu’il existe un médicament très efficace : l’allopurinol.
L’enjeu est pourtant majeur : une crise de goutte augmente le risque de faire un AVC, ou un infarctus. Le Pr Pascart espère que cette mise au jour d’un grave problème de santé publique va améliorer sa prise en charge.
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