C'est dans ma tête. Jeux d'enfants et actualité
"On dirait qu'on jouerait aux gilets jaunes et aux CRS..." Dans les cours d'école, les enfants miment souvent en les rejouant des faits d'actualité. La psychanalyste Claude Halmos revient sur cette question de l'actualité, des infos, dans la vie des enfants.
Les gilets jaunes manifestent, on le sait, depuis plus de deux mois. Depuis le 17 novembre 2018, chaque samedi. Ces manifestations ont souvent donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre, et les enfants s’en sont emparés dans leurs jeux. Dans de nombreuses écoles, on joue, à l’heure actuelle, dans les cours de récréation, "aux gilets jaunes, et aux CRS".
franceinfo : Comment expliquer que les enfants s’emparent ainsi de l’actualité ? Est-ce dû à la médiatisation de ces évènements ?
Claude Halmos : La médiatisation joue certainement un rôle, mais les enfants ont toujours eu des jeux en rapport avec l’actualité. Pendant toutes les guerres, et même sans médiatisation, les enfants jouent à la guerre, et dessinent la guerre.
Pour quelles raisons le font-ils ?
Les adultes ignorent souvent que l’actualité constitue pour les enfants, même les petits, une sorte de bruit de fond qui accompagne en permanence leurs vies. Ils entendent les radios, ils voient les images de la télévision et, même si leurs familles essayent de les en préserver, ils entendent, dans tous les lieux publics, les conversations des adultes.
Et les enfants peuvent surtout percevoir les émotions des adultes et, bien sûr, leurs inquiétudes. Ils sont donc traversés par tout cela et, parfois même, envahis. Et c’est d’autant plus difficile à vivre pour eux, que ces évènements les fascinent tout autant qu’ils les effrayent.
C’est cela qui explique leurs jeux ?
Oui. Et ces jeux ont une fonction. Le jeu permet aux enfants de ne pas rester passifs, par rapport aux émotions que les évènements auxquels ils sont mêlés, provoquent en eux. Ils peuvent, grâce au jeu, s’approprier ces évènements, les réinterpréter à la lueur de leur imaginaire, et les faire se répéter autant de fois qu’ils le souhaitent, ce qui est une façon de les maitriser.
Le jeu leur permet de ne plus être en position de subir, et de devenir actifs : on voit par exemple des enfants, après un accident de voiture, le remettre en scène avec leurs jouets
Claude Halmosfranceinfo
Est-ce que les adultes ont un rôle à jouer ?
Claude Halmos : Les adultes ont, indépendamment même du jeu, un rôle essentiel à jouer, parce qu’ils sont ceux qui peuvent mettre des mots sur ce que les enfants vivent, et le leur expliquer. Et, s’agissant de l’actualité, il faudrait toujours, surtout quand elle affecte leurs vies, l’expliquer aux enfants. De façon à ce qu’ils soient armés pour accueillir les informations qu’ils vont entendre par la suite (de la part de leurs copains, par exemple), et ne pas être écrasés par elles.
En matière d’actualité, un enfant informé est un enfant protégé
Et par rapport aux jeux ?
Il est important que les adultes regardent, écoutent, et surtout, s’il y a des choses problématiques, parlent. Les jeux des gilets jaunes, par exemple, durant lesquels les enfants reprennent, semble-t-il, des slogans comme "Macron, démission" peuvent donner aux enseignants l’occasion de leur apprendre comment fonctionnent les structures de l’état ; ou de parler avec eux de la violence.
Ces jeux peuvent donc leur permettre de faire, et de façon autrement plus efficace qu’avec des cours magistraux, de l’instruction civique.
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