États-Unis : dans l'Arkansas, des livres visés par la censure et des bibliothécaires menacés de poursuite

Nouveau chapitre dans la guerre culturelle entre libéraux et conservateurs en Arkansas : une loi interdit aux bibliothécaires de donner accès à certains livres aux enfants, et menace de poursuites ceux qui ne se plieraient pas à la législation.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Aux Etats-Unis, dans l'Arkansas, une loi vise à interdire certains livres aux contenus jugés obscène. Photo d'illustration (WU KAIXIANG / MAXPPP)

La loi Act 372 a été signée fin mars 2023 par la gouverneure républicaine de l'Arkansas Sarah Huckabee Sanders. Elle a été pendant deux ans la porte-parole de la Maison Blanche sous Donald Trump, réputée pour son intransigeance avec les médias et ses colliers de perle.

La loi, qui cherche à protéger les mineurs de tout contenu obscène, compte deux sections qui font beaucoup parler. D’abord, elle autorise n’importe qui à contester la présence d’un livre dans les bibliothèques de l’Arkansas si la personne trouve l’ouvrage inapproprié en matière de sexualité mais aussi de racisme ou de genre. Ensuite, elle annule la protection accordée aux personnels des écoles, des musées ou des bibliothèques sur la dissémination de documents qualifiés de "nocifs". Des documents qui "manqueraient de valeur littéraire, scientifique, médicale, artistique ou politique en plus d’être ouvertement offensifs", d'après le texte.

Les bibliothécaires contre-attaquent

Les bibliothécaires risquent désormais 2 500 dollars d’amende et un an de prison. L’Act 372 devait entrer en vigueur le mois dernier, mais un juge a suspendu la loi. Il s’est prononcé parce que plusieurs groupes, dont les bibliothèques de Little Rock, la capitale de l’Arkansas, ont attaqué cette loi en justice. Le juge, nommé par Barack Obama, a cité le roman d’anticipation Fahrenheit 451 pour justifier sa décision.

Les bibliothécaires n’ont pas envie de finir derrière les barreaux simplement parce qu’ils ont fait leur métier, d’autant qu’à leurs yeux et à ceux du juge, la définition d’un contenu inapproprié est trop vague dans le texte de loi. Ils n’ont pas non plus envie que ceux qui n’aiment pas un livre aient le pouvoir d’empêcher d’autres de le lire. L’Act 372 créerait une forme de censure et prendrait le premier amendement sur la liberté d’expression un peu trop à la légère.

La législation pose aussi des problèmes logistiques. Un livre inapproprié pour un enfant de cinq ans ne l’est plus forcément pour un adolescent de 16 ans, mineur lui aussi. Doit-on créer une section adulte surveillée par un agent de sécurité pour être sûr qu’aucun mineur ne s’y aventure ? Doit-on retirer le livre de toutes les étagères pour être sûr d’éviter la prison ?  Beaucoup d’adolescents s’interrogent sur la sexualité, la lecture peut leur apporter des réponses.

D’autres cas de censure aux Etats-Unis

Michigan, le 25 septembre 2022, des manifestants protestent après que les écoles publiques de Dearborn ont temporairement restreint l'accès à des livres à la suite d'une plainte d'un parent concernant leur contenu. (JEFF KOWALSKY / AFP)

D’après l’association des bibliothèques américaines, en 2022, des demandes ont été déposées à travers le pays pour l’interdiction de plus de 2 500 livres, des chiffres jamais atteints depuis 20 ans. Et les ouvrages concernés portent souvent sur la communauté LGBT et les minorités.

Sept Etats, dont le Texas et la Floride, ont déjà voté des lois pour interdire des livres, signale le Washington Post. Quitte à criminaliser bibliothécaires et libraires. Des textes sont en discussion dans d’autres Etats. Dans l’Idaho et le Dakota du Nord, le gouverneur a toutefois mis son veto. La gouverneure de l’Arkansas, elle, soutient fermement la loi et se moque de "l’utopie libérale de la gauche radicale" dans un communiqué.

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