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Au Japon, une rocambolesque histoire de don de sperme sauvage suscite un débat de société

Le gouvernement s'est lancé dans une tentative d'encadrement des dons de sperme sauvages, après une drôle d'affaire judiciaire.

Article rédigé par franceinfo, Yann Rousseau - édité par Xavier Allain
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une femme tenant un bébé, en avril 2018, à Tokyo (Japon). (MIWA SUZUKI / AFP)

Au Japon, les autorités cherchent à mieux encadrer les dons sauvages de sperme. Il s'agit d'offres un peu particulières qui se multiplient sur Internet, notamment sur le réseau Twitter, où des couples cherchent des hommes susceptibles des les aider, souvent gratuitement, à avoir un enfant.

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Mais un procès intenté par une famille déçue a relancé le débat : une habitante de Tokyo a porté plainte en janvier 2022, expliquant que son donneur de sperme... lui a menti. Mariée depuis des années, cette femme, dont le nom n'a pas été révélé, a déjà un enfant avec son époux. Mais lorsqu’ils ont souhaité faire un second enfant, les médecins ont expliqué à l'homme qu’il souffrait d’une maladie héréditaire qui l’empêchait désormais de se reproduire. Le couple s'est donc lancé à la recherche d'un donneur de sperme. Or, au Japon, très peu d’institutions proposent ce service - d'autant plus coûteux. Ils se sont alors tournés vers Twitter, où il y a beaucoup d’hommes très généreux, dont l'un d'eux, sélectionné par l'épouse.

Celui-ci a été choisi car il indiquait être célibataire, avoir un bon poste dans une grande entreprise au nord du Japon et, surtout, qu’il était diplômé d’une université très prestigieuse, dont était aussi sorti le mari. Après une dizaine de rencontres pour des rapports sexuels au moment de son ovulation, la femme est finalement tombée enceinte, donnant naissance à un enfant, né en 2020. 

"Détresse émotionnelle"

Sauf que dans les derniers mois de sa maternité, la femme a, en réalité, découvert que son donneur lui avait menti. C’était en fait un ressortissant chinois qui vivait depuis des décennies au Japon, qu’il était marié et qu’il avait fait une petite université beaucoup moins prestigieuse que celle de son mari. Elle a donc décidé de donner le bébé à des services d’adoption. Et l'affaire ne s'arrête pas là : elle attaque le donneur pour "détresse émotionnelle" et lui réclame 330 millions de yens de dommages et intérêt (environ deux millions d’euros). Son avocat explique qu’elle ne fait pas ça pour l’argent, mais pour provoquer un débat sur le don sauvage de sperme dans le pays et l’encadrement de l’identité des donneurs. L’accusé rétorque, lui, qu’il avait un peu modifié son CV pour justement dissimuler son identité et ne pas être jugé un jour responsable financièrement de l’enfant.

Face à cette histoire digne d'un roman, des autorités japonaises se sont emparées du sujet, via le Parlement, pour essayer d’enfin réguler les dons de sperme dans le pays. Mais c’est un débat très sensible et, pour l’instant, il se concentre sur les cliniques spécialisées qui gèrent normalement ces inséminations par donneurs, que ce soit des dons de sperme ou d’ovules. Le problème est qu’il y en a de moins de moins : on parle d’à peine une centaine de naissances par don encadrées par an dans tout le pays. De quoi laisser se multiplier encore davantage les dons sauvages.

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