Le demi-verre du quotidien
Or donc, l'autre jour, le sujet développé sur une
prestigieuse antenne était l'alcoolisme, sujet on ne peut plus français pour
des raisons à la fois médicales et culturelles. Et comme toujours sur l'antenne
un trio de spécialistes bardés de statistiques et gonflés de certitudes. Aucun
contradicteur, modérateur ou pondérateur. Et pendant près d'une heure un
discours terrifiant sur les ravages de l'alcool. Et surtout un conseil vingt
fois répété par une éminente consœur journaliste médicale. Ne jamais boire plus
d'un demi-verre de vin par jour. Pas deux, pas un... un demi, sinon les risques
de maladie sont considérables. Et donc si on va au restau midi et soir, il faut
commander au serveur un quart de verre à chaque repas.
Dans la foulée notre aimable consœur estime qu'il faut rayer
le fameux slogan "à consommer avec modération" parce que le concept
est trop flou et qu'il faut bannir le terme "alcoolique" bien trop
stigmatisant et lui préférer le vocable "alcolo dépendant".
Aussi simple et caricatural que cela. Non seulement on a
peur de l'alcool (et pourquoi pas ?) mais on a peur des mots. On ne doit
pas dire cancer mais longue maladie. On n'est pas sourd mais mal entendant, pas
aveugle mais non voyant, pas chômeur mais demandeur d'emploi, pas homo mais
gay, pas noir mais black, etc. On a trop la trouille d'appeler un chat un chat.
Comme dirait l'autre c'est l'extension du domaine de la peur.
Et ca va durer. Tous les jours on nous rabâche que fumer tue, qu'il faut se
méfier de la viande de cheval, du faux sucre,
mais aussi du vrai sucre, du sel, du médiator, de la graisse, des crèmes
solaires, du nucléaire et du gasoil. Ce qu'on oublie de dire c'est que la vie
est hélas une maladie sexuellement transmissible et toujours mortelle. Et ça, ça fout vraiment la pétoche. Mais c'est moins vendeur parce que légèrement
désespérant.
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