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Amélie et Zeena

A première vue, c'est une fausse bonne idée, bien plus fausse que bonne, qu'a eu l'hebdomadaire "L'Express" en demandant à l'écrivain Amélie Nothomb, l'une des têtes de gondole de nos librairies, de commettre quelques dizaines de lignes sur la tuerie de Chevaline en Haute Savoie.
Article rédigé par franceinfo
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Ecrire ou plutôt divaguer. Se glissant dans le crâne de la
petite Zeena, quatre ans, la fillette survivante restée cachée pendant huit heures
sous le corps de sa mère assassinée, voici ce qu'écrit Madame
Nothomb : "Sous les jupes de maman, il fait noir. Au début,
j'avais chaud. Ensuite, les jambes de maman sont devenues froides. Je suis
contente de ne pas être un bébé kangourou car sinon, je grelotterais dans sa
poche...
"

Bien sur c'est du Nothomb dans le texte. Il y a du style. Ce
n'est pas innocent. Et c'est bien ça le problème. Car ce n'est ni de la
littérature, ni du journalisme. C'est une divagation mondaine, un  étrange salmigondis de fantasme, de
psychologie de bazar et de voyeurisme, porté à ébullition et servi à l'aune
d'une actualité brulante non encore élucidée.

Depuis toujours, les écrivains se sont rués sur les faits
divers comme des acariens sur la moquette. Madame Nothomb ne fait qu'imiter
Marguerite Duras qualifiant Christine Villemin de "sublime, forcément
sublime
", au pire moment de l'affaire Gregory. Ce mélange des genres
c'est simplement le mélange de l'encre et du sang à des fins commerciales.

Bien surL'Express a bien le droit de commander les papiers
qu'il veut et Amélie Nothomb le droit d'écrire ce qu'elle veut. Mais le lecteur
a aussi le droit de s'interroger sur ce qui ressemble à une appropriation
littéraire d'une douleur enfantine, à un détournement de faits divers à des
fins mercantiles.

D'ou le malaise que l'on ressent. Peut être est-il
l'expression d'un réflexe petit bourgeois ou la jalousie corporatiste d'un
journaliste pensant que le crime est une chasse gardée. On espère quand même
que la tuerie de Chevaline ne sera pas le 22ème  roman de Madame Nothomb.  

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