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"Pute n'est pas un projet d'avenir" de Louise Brévins

Dans ce récit paru aux éditions Grasset, Louise Brévins raconte comment elle s’est prostituée pendant plus de trois ans, pour subvenir aux besoins de son enfant. Le ton est tranchant. Informatif. Un témoignage rare et étonnant.
Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
"A livre ouvert", la sélection de Gilbert Chevalier, tous les samedis et dimanches cet été. (2011 JAZID / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

"Aujourd’hui, devenir pute est encore plus rapide que de se créer un compte Instagram. Notre ère 2.0 a déplacé le tapin de la place publique à l’intimité de nos smartphones, et les hommes peuvent désormais se commander une fille, aussi facilement qu’on commande un Uber. Leur fantasme ultime ? La professionnelle qui exerce par passion. Moi, je suis entrée dans la puterie pour subvenir aux besoins de ma môme, un peu comme l’aurait fait Fantine si elle avait vécu au XXIe siècle." Louise Brévins

L'auteure de ce récit est devenue masseuse naturiste avec prestation sexuelle. Elle n'édulcore rien avec des périphrases ou des concepts fumeux. Oui, elle est devenue pute. Et Louise Brévins raconte son expérience, ses trois années dans le monde de sexe tarifé 2.0  : Petites annonces sur Internet, et clients reçus dans un studio. Elle raconte avec beaucoup de distance, un peu comme un sociologue, mais aussi avec beaucoup d’humour noir.

Ce récit n'est pas destiné aux âmes sensible ou prudes

Louise Brévins y va franchement, sans hésitation, entre descriptions des fantasmes masculins et autre descriptions des anatomies intimes de ses clients. À ma connaissance, peu de prostitués ont livré ce type de témoignage. Elle raconte son quotidien banalement, comme une travailleuse qui n'aime pas son métier, mais qui n’a pas d'autres solutions pour vivre.

Le livre est une sorte de plongée dans le monde de la prostitution, je ne sais pas si on peut dire soft, mais en tout cas sans proxénète, sans maltraitance, sans violence, si ce n'est celle qu'elle s'inflige à elle-même en se prostituant. Louise Brévins ne nous épargne rien. L'abjecte réalité des corps à satisfaire, la lutte permanente pour définir ce que l’on offre ou pas, et pour quel prix, les odeurs, les anatomies intimes, le sentiment de saleté à la fin de sa journée de labeur sexuel, quand sous la douche, elle se frotte la peau frénétiquement, pour se débarrasser de la souillure des clients. Il n y a donc rien de glamour dans ce livre.

Mais Louise Brévins affirme ne rien regretter, puisque selon elle, cette activité, dans son cas, choisie, vaut bien d’autres métiers où les femmes perdent leur dignité. Elle n’évite pas, surtout pas, les questions d’argent. Oui, elle a bien gagné sa vie, mais dénonce aussi l’idée d’argent facile. Elle raconte tout avec une grande liberté, sans honte, sans gêne, avec parfois de la rage contre l’hypocrisie de la société à l’encontre de la prostitution. Un témoignage rare et étonnant qui évite la curiosité malsaine sans rien omettre, sans rien cacher.

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