"Le Roman noir. Une histoire française" de Natacha Levet aux Presses Universitaires de France

"Le Roman noir. Une histoire française" est un essai absolument passionnant sur ce genre littéraire. Natacha Levet est enseignante-chercheuse à l’université de Limoges, spécialisée dans les fictions criminelles.
Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
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Temps de lecture : 3min
"A livre ouvert", le choix de Gilbert Chevalier, tous les dimanches dans "Les experts livres". (2011 JAZID / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Quelle définition donner au roman noir ? Quelle place prend-il entre le roman policier, le roman d'enquête ou encore le thriller psychologique ? Ces romans ont-ils une particularité bien française ou sont-ils directement issus de la littérature américaine, dont l'âge d'or commence au début des années 20 ?

Le roman tel qu’on le connaît aujourd'hui en France présente une vision très désenchantée ou critique de la société, pour en montrer sa corruption et sa violence. Dans le roman noir, l'enquête importe peu, la moralité des personnages n’est pas forcément exemplaire. Une littérature qui offre beaucoup de place aux laissés-pour-compte de l’histoire ou de la société. 

Natacha Levet, chercheuse à la faculté de Limoges, y voit largement d'autres racines et influences. Pour l'universitaire, le roman noir est une construction bien française qui, certes, a bénéficié de la popularité de la littérature américaine, voire du cinéma américain d'après guerre. Mais cette littérature noire plonge ses racines dans le roman gothique anglais du XIXe siècle, ou dans les romans-feuilletons populaires de ce même XIXe siècle, dont le public était très friand. 

Natacha Levet voit même une influence majeure de la littérature réaliste du XIXe siècle qui, comme Balzac ou Zola, cherche aussi à dévoiler les dessous de la société. L'écrivain Jérôme Leroy, aujourd'hui, affirme même que l'inventeur du roman noir, c'est Balzac. Et dans l'un de ses romans récents, Jérôme Leroy s'est d'ailleurs amusé à utiliser les noms propres, pris par Balzac, dans l'une de ses œuvres.

"À ses débuts, le roman noir français est un roman prolétarien qui s'ignore"

Selon Natacha Levet, nombre de ces pionniers sont des autodidactes comme Jean Meckert, Léo Malet, Georges Simenon ou encore Albert Simonin. Souvent des auteurs sans diplôme qui racontent dans un langage très oral la vie des petites gens et des voyous qu'ils ont parfois côtoyés.

C'est souvent un roman très critique, presque subversif. À la fin des années 60 est né le néopolar, façon Jean-Patrick Manchette, avec des textes violents. Rythme rapide, souvent très marqué à gauche, très critique concernant l'histoire contemporaine, la politique ou le monde des affaires. Et avec ce constat, le roman noir, aujourd'hui, n'est pas loin de la littérature blanche. Beaucoup d'auteurs vont de l'un à l'autre, mais avec quand même cette restriction, aucun grand prix littéraire n'est venu couronner un roman noir qualifié comme tel.

En revanche, des auteurs récompensés comme Pierre Lemaitre ou Nicolas Mathieu, sont aussi des auteurs de romans noirs. Quant à la place des femmes dans cette littérature, elle reste largement à prendre. Peu d'héroïnes dans ces romans noirs et peu d'auteures, même si les choses changent un peu depuis une trentaine d'années.

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