Guerre entre Israël et le Hamas : une offensive à Rafah provoquerait "une catastrophe humanitaire sans précédent", alerte l'historien Vincent Lemire

L'historien, spécialiste du Proche-Orient et auteur de la bande dessinée "Histoire de Jérusalem", était l'invité du "8h30 franceinfo", dimanche 24 mars 2024.
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L'historien Vincent Lemire, sur franceinfo, le 24 mars 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Vincent Lemire, historien, professeur à l'université Gustave Eiffel et coauteur de la bande dessinée Histoire de Jérusalem (éd. Les Arènes), était l'invité du "8h30 franceinfo", dimanche 24 mars 2024. Opération à Rafah, relations entre Israël et les États-Unis... Il répondait aux questions d'Agathe Lambret et Jules de Kiss. 

Après Al-Shifa, Rafah : "C'est une guerre sans fin"

"Si on tape Rafah, ce sera une catastrophe humanitaire sans précédent", alerte Vincent Lemire. Israël envisage une offensive terrestre dans cette ville située au sud de Gaza. "Avant la guerre, Rafah c'était 250 000 habitants. Aujourd'hui, c'est 1,5 million d'habitants, dont beaucoup vivent dans la rue dans des conditions déplorables. Est-ce qu'on peut imaginer des combats intensifs dans ce contexte ? C’est impossible", réagit l'historien. 

À Rafah, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou persiste à vouloir s'attaquer au "dernier bastion" du Hamas, même sans soutien américain et malgré les critiques de la communauté internationale. 

Cet argument ne convainc pas Vincent Lemire. À Al-Shifa, au nord de l'enclave palestinienne, "les Israéliens ont annoncé fin janvier : c'est nettoyé, il n'y a plus un terroriste à Al-Chifa". Mais samedi, Israël a affirmé avoir tué plus de 170 combattants palestiniens et arrêté des centaines de suspects. "Ça veut dire quoi ? Le Hamas est en train de reconstituer ses brigades dans le Nord", rétorque le spécialiste du Proche-Orient avant d'ajouter : "Ça prouve que c'est une guerre sans fin".  

"Le pire épisode du conflit israélo-palestinien"

Vincent Lemire déplore aussi une "guerre des nerfs" avec "ces résolutions au Conseil de sécurité, les condamnations, les espoirs de trêve, les négociations qui n'aboutissent pas"

Avec plus de 32 000 morts recensés par le ministère de la Santé du Hamas, c'est "le pire épisode du conflit israélo-palestinien depuis la deuxième intifada". En cinq ans, il y a eu 3 000 morts palestiniens. "Là, on a dix fois moins de temps, on a dix fois plus de morts, sur un territoire beaucoup plus petit. C'est vraiment vertigineux", insiste Vincent Lemire. Il rappelle par ailleurs qu'il "n'y a jamais eu autant de morts civils israéliens lors d'un attentat palestinien depuis la naissance de l'État".  

Israël "a besoin d'une légitimité" mais reste "un État isolé"

Israël "est un des rares États de la planète qui a été créé par un vote à l'Assemblée générale de l'ONU", rappelle Vincent Lemire. "C'est un État qui a besoin d'une légitimité internationale". Or, la stratégie militaire d'Israël est de plus en plus critiquée, y compris par les pays alliés comme les Etats-Unis. Actuellement, "c'est un État isolé, c'est certain" et "pour moi, c'est gravissime" estime l'historien. 

"Vladimir Poutine peut commettre les pires horreurs en Ukraine, personne ne dira 'les Russes n'ont pas le droit d'être Russes en Russie.'"

Vincent Lemire

à franceinfo

Pour Vincent Lemire, "il y a un risque existentiel pour Israël à long terme", alors que le pays est en train de "perdre" sa légitimité et que la famine menace à Gaza. "Avant la guerre, il y avait entre 500 et 800 camions qui entraient tous les jours. Aujourd'hui, les besoins ont explosé et on est à moins d'une centaine par jour". Donc, "oui, on peut comprendre l'isolement d'Israël".  


Retrouvez l'intégralité du "8h30 franceinfo" du dimanche 24 mars 2024 : 

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