Nicolas Sarkozy sur France 2 : ce qu'il faut en retenir
Un peu plus de trois heures d'émission et un débat contre Laurent Fabius, Nicolas Sarkozy était l'invité de DPDA sur France 2. L'occasion de défendre son bilan et de tenter d'insuffler un nouveau souffle à sa campagne.
Dans l'attente d'un tournant. Après des débuts de campagne chaotiques et des sondages qui ne marquent pas la dynamique espérée, Nicolas Sarkozy était l’invité de l’émission politique de France 2 "Des paroles et des actes" mardi 6 mars. L'occasion pour le président candidat de défendre son bilan. Mais aussi d'affronter en débat Laurent Fabius, ex-Premier ministre PS et représentant du camp Hollande.
Voici ce que vous pouvez retenir de cette intervention.
• Le mot
“Libéralo-maniaque”. Késako ? Un néologisme inventé par Nicolas Sarkozy alors que le journaliste économique François Lenglet lui demandait dans quelle mesure il comptait “couper dans la dépense sociale”. “Je ne suis pas libéralo-maniaque”, lance le président candidat, qui entend dire par là qu’il ne cherche pas à couper les dépenses aveuglément. Il aura au moins réussi à attirer l’attention sur un passage plutôt technique.
A égalité avec "tartuffe", dont Nicolas Sarkozy a affublé Laurent Fabius à plusieurs reprises, permettant aux deux hommes d'échanger quelques mots autour de Molière entre les retraites et la Chine. Un qualificatif déjà employé contre François Hollande samedi à Bordeaux.
• La phrase
C’est celle de la “séquence émotion” de l’émission. Interrogé sur le lieu où il irait fêter son éventuelle victoire en 2012 - en écho au luxueux Fouquet’s qu’il avait choisi en 2007 et qu’il traîne comme un boulet -, Nicolas Sarkozy a joué sur la corde sensible des téléspectateurs : "Cette fois-ci j'ai une famille, j'irai la fêter avec la femme que j'aime et mes enfants."
• L’attitude
Voix doucereuse, ton amical, attitude quasi… “normale” ? Tout au long de l’émission, Nicolas Sarkozy, dont certains journalistes politiques notent la difficulté à sortir de son costume présidentiel, à faire “de nouveau corps avec son public”, comme le souligne cet article du Point.fr, joue la proximité. Il ponctue ses propos de “bon”, “allez..” sur le ton de la confidence et enchaîne les déclarations sur l’air de “c’est moi, je suis comme ça”.
Sur ses accrochages avec le pêcheur du Guilvinec ou au Salon de l’agriculture, il reconnaît : “Ça m’a pris du temps de trouver l’équilibre entre la proximité et la solennité.”
Mais le candidat de l’UMP alterne avec des moments plus graves, sérieux, sourcils froncés. Dans une posture quasi sacrificielle, il n’a cessé de rappeler la difficulté à être président de la République : “Dans tous ceux qui me critiquent, il y en a un certain nombre qui ont voulu être président de la République. Je le suis.” Ou encore : “J’ai tout donné”, “Ce n’est pas si facile”, “Quand on n’a pas été président, on n’imagine pas ce que c’est”.
• Les propositions
Nicolas Sarkozy n’a dévoilé que très peu de propositions nouvelles. In extremis dans la dernière partie de l’émission, il propose, s’il est réélu, de remplacer le parrainage des candidats à l’élection présidentielle par un parrainage des citoyens, “on pourrait dire 3% des électeurs inscrits”.
Par ailleurs, pour faire des économies et assurer le retour à l’équilibre budgétaire en 2016, il a préconisé “un impôt sur les bénéfices minimum sur les grands groupes du CAC 40”, avant de reconnaître qu’il fallait encore définir “le moment à partir duquel on est un grand groupe”.
Le président candidat est aussi revenu sur quelques-unes des pistes déjà évoquées, comme imposer sept heures hebdomadaires de travail d’intérêt général pour les allocataires du RSA ou encore celle d'augmenter de 500 euros le salaire des professeurs acceptant de passer de 18 heures de temps de présence dans leur établissement à 26 heures par semaine.
Concernant l’immigration, Nicolas Sarkozy a annoncé de nouvelles conditions visant à restreindre le regroupement familial. Expliquant qu’”on ne fait venir sa famille que si on peut la nourrir”, il souhaite conditionner l’obtention de ce regroupement à des conditions de ressources et à la possession d’un logement. Présentées comme nouvelles, ces propositions étaient déjà présentes mot pour mot dans le projet du candidat Sarkozy en 2007.
Enfin, Nicolas Sarkozy a précisé les contours de la “dose de proportionnelle” aux élections législatives proposée à Marseille le 19 février. Elle représenterait 10 à 15% des sièges à l’Assemblée nationale.
• L’attaque
Globalement plutôt sur la défensive, Nicolas Sarkozy n’en a pas moins égratigné régulièrement les socialistes en général, "responsables des 35 heures" et qui se pensent “les seuls légitimes au pouvoir”. L'attaque la plus franche vient en fin de débat avec Laurent Fabius : "La vérité c’est qu’au niveau départemental et communal vous [les socialistes] adorez dépenser l’argent qui ne vous appartient pas, pas nous. Voilà la différence entre vous et nous."
Mais il s'en prend aussi à François Hollande, dont il dit : “c’est quelqu’un qui a du mal à dire non”, qui “n’aime pas trancher”, “n’aime pas choisir" et “a tendance à dire oui a tous ceux à qui il s’adresse”. Et enfin, à son programme : “Le mot compétitivité n'apparaît à aucune page du programme du candidat socialiste, ça n’existe pas !”
• Le temps fort
Le débat reste un temps attendu de l’émission. Et... rien ! Très tendus, archi-préparés, Nicolas Sarkozy et Laurent Fabius - non sans oublier de rappeler qu’ils “s’estiment beaucoup” - se sont lancé des amabilités sur le fond et la forme. Les deux hommes se sont particulièrement écharpés autour de la réforme des retraites.
Ils n’ont cessé de se couper la parole à coup de “c’est mensonger”, “mais pas du tout, pas du tout !”, “c’est outrancier”. Sans jamais laisser l’autre terminer sa démonstration. Et de reconnaître eux-mêmes “j’aimerais tant débattre avec vous” à plusieurs reprises.
Quelques morceaux choisis tout de même. Nicolas Sarkozy à Laurent Fabius : “un conseil, quand ça vous fait mal, ne le montrez pas à ce point-là”; “ce n’est pas faute d’avoir été candidat à la présidentielle vous-même”. Le second au premier : il y a la parole “mais les gens jugent sur les résultats”, “votre bilan c’est votre boulet” ou encore “on va prendre vos chiffres même s’ils sont faux”.
• L'avis de Gilles Bornstein, rédacteur en chef de l'émission
"C'était une émission forte, avec un enjeu, une saveur, une tension particulière puisque Nicolas Sarkozy, qui est encore aussi président de la République, n'avait pas fait d'émission de cette envergure, de débat depuis cinq ans. Il a dit beaucoup de choses, notamment sur sa vie privée en début d'émission et on ne s'y attendait pas.
Pour lui, c'est un rendez-vous plutôt réussi, sur la forme il a prouvé qu'il n'avait absolument rien perdu de sa force, de sa pugnacité. Il a montré à ceux qui avaient des doutes que c'était un homme qui se bat, qui y va jusqu'au bout pour gagner. Après, on verra si les arguments convaincront."
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