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Pourquoi certains propriétaires pourront continuer à louer des passoires thermiques après 2023

Publié Mis à jour
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L'Oeil du 20h : 03/02/21
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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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En France, près de 800 000 locataires occupent les pires passoires thermiques : les appartements classés G au diagnostic de performance énergétique. Le gouvernement vient justement de décréter l’interdiction de louer les logements les plus énergivores à partir de 2023. Tous ? Non ! Un petit détail dans le décret réduit drastiquement sa portée. L’oeil du 20 heures vous explique tout.

L’information est annoncée sur service-public.fr, le site officiel de l’administration. A partir de 2023, "seront considérés comme indécents les logements classés G au Diagnostic de Performance Energétique. Ils ne pourront plus être proposés à la location", sans refaire l’isolation.

De quoi redonner espoir à de nombreux locataires, comme Aline Mayanu à Aubervilliers. Elle loue un HLM construit dans les années 1980, un 5 pièces classé G pour sa très mauvaise isolation. Le long des murs, des gouttes d'eau perlent et témoignent d'une humidité permanente. 

Rien que pour le mois dernier, sa facture d’électricité s’élève à 366 euros, soit la moitié de son loyer. Sa facture annuelle est estimée à plus de 3 000 euros. Et pourtant, elle vit dans le froid toute la journée. "On se couvre beaucoup pour se réchauffer, nous confie-t-elle. On ne vit pas en fait, c’est un mal-être total." 

Un détail de calcul qui change tout

Le nouveau décret du gouvernement qualifie d’indécents les logements dont la consommation énergétique est supérieure à 450 kWh par mètre carré et par an. Avec une consommation de 620 kWh par mètre carré et par an, le logement d’Aline semble bien concerné par cette future interdiction de location. Mais est-ce vraiment le cas ?

Nous avons soumis la situation d’Aline Mayanu à un spécialiste de la précarité énergétique. Avec son association qui promeut la maîtrise de l’énergie, il a relevé un détail qui change tout. Le décret du gouvernement est exprimé en énergie finale alors que le diagnostic du logement parle lui en énergie primaire. Il faut donc convertir le chiffre de la consommation énergétique en énergie finale. 

Une conversion mathématique qui ne s’applique qu'aux logements chauffés à l’électricité et qui réduit d’un seul coup la consommation. Une aberration pour Danyel Dubreuil, de l'association CLER - Réseau pour la transition énergétique : "En convertissant le logement en énergie finale, on obtient 240 kWh au lieu de 620 kWh. Selon ce décret, la dame que vous avez rencontrée n’est pas dans un logement indécent."

"Cela démontre parfaitement l’absurdité de ce décret !"

Danyel Dubreuil, coordinateur Cler-Réseau pour la transition énergétique

à France 2

"On est dans un des pires logements qui existent en France. Cette dame, chaque mois elle chauffe l’équivalent de trois logements moyens français. Normalement, ce décret doit protéger ce genre de personnes. Là clairement, on casse le thermomètre pour ne plus voir le problème !"

Le gouvernement "veut y aller progressivement"

Du côté du gouvernement, la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon assume le recours à cette unité de mesures et défend une réforme progressive : "En 2023, c’est à dire dans très peu de temps, on interdit à la location les pires passoires thermiques et ça c’est uniquement 90 000 logements. On veut y aller pogressivement, ça fait beaucoup de travaux à faire dans beaucoup de logements."

"Mon objectif, ce n'est pas de sortir des logements du marché locatif, c’est que les propriétaires fassent des travaux."

Emmanuelle Wargon, ministre du Logement

à France 2

Quelques minutes après notre interview, le site service-public.fr a été rectifié. On ne parle plus de tous les logements classés G qui nécessitent des travaux d’isolation, mais seulement d'une petite partie d'entre eux.  

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