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Vidéo La sous-location de terres dans le Nord, business juteux des agriculteurs

Publié Mis à jour
Durée de la vidéo : 4 min
L'Oeil du 20h : 21/10/19
L'Oeil du 20h : 21/10/19 L'Oeil du 20h : 21/10/19
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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Dans les champs, en ce moment, la récolte des pommes de terre bat son plein. Mais certains agriculteurs n’ont plus besoin de travailler. En sous-louant leurs terres, ils moissonnent des billets, sans se fatiguer. L’Oeil du 20h a suivi les traces de ce business pas très régulier.

Dans le Nord, c’est la saison de la récolte. De jour comme de nuit s'observe le va-et-vient des arracheuses de pommes de terre. Et dans les champs, des plaques d'immatriculation rouge indiquent la présence de salariés belges.

Pour en savoir plus, nous avons suivi les bennes remplies de patate qui partent de France en direction de Tournai, en Belgique. Après deux heures de route, nous tombons sur un hangar gigantesque rempli de pommes de terre, à moitié françaises. A l'arrivée, la gérante d'une société belge nous explique qu'elle loue 150 hectares de terres à une dizaine d’agriculteurs français.

C'est le principe de la sous-location. Dans le département du Nord, un propriétaire loue ses terres à un agriculteur français en moyenne 180 euros l’hectare, c'est ce qu'on appelle le fermage. Il s'agit d'un tarif encadré et fixé par la préfecture. Mais certains locataires sous-louent à des agriculteurs belges qui paient aux alentours de 1 500 euros l’hectare : une activité particulièrement rentable et qui se fait au détriment des propriétaires. 

Nous avons réussi à joindre un exploitant qui avoue sous-louer une partie de ses terres. Il tient à rester discret : "Ca a été fait par un entrepreneur agricole. Après qu’il soit Belge ou Français, moi je suis Européen. Il y’a d’autres sujets à aborder comme la misère en agriculture…"

Une discrétion, qui s’explique par l’interdiction de cette pratique dans le code rural mais qui pourtant fleurit dans le département du Nord, selon Jean-Pierre Delannoy, représentant des propriétaires dans le Nord-Pas-de-Calais : "L’exploitant en ne faisant rien sur ses terres, tout en la louant encaisse entre 1 300 et 1 500 euros sans rien faire. Nous, en tant que propriétaires, on ne peut pas l’accepter."

La pratique gêne aussi l’installation des jeunes agriculteurs. Depuis cinq ans, Hugues Trachet, maraîcher dans la banlieue lilloise, est hébergé par un autre exploitant. Selon lui, s’il ne trouve pas de terres dans la métropole lilloise, c’est à cause de la sous-location : "Ce sont les agriculteurs français qui sous-louent des terres aux Belges qui sont responsables de cette situation. C’est aussi aux propriétaires de mettre le hola par rapport à cette pratique illégale."

Dans le coin, le plus gros propriétaire c’est la métropole avec 855 hectares de parcelles agricoles attribuées à 168 agriculteurs. Certains pratiquent la sous-location selon Gérard Caudron, vice-président de la métropole. Ce dernier le concède, la métropole a longtemps fait mine d’ignorer le phénomène : "Les élus veulent pas d’histoire ni avec les agriculteurs, ni avec les syndicats agricoles donc face aux risques d’avoir des conflits, ils préféraient fermer les yeux et ne rien faire." Mais il l'assure, la métropole va lancer des contrôles : "Il faut vérifier que celui qu’on a dans les registres c’est bien lui qui cultive, c’est ce qu’on va faire dans les prochains mois."

En attendant la hausse des contrôles, la hausse des surfaces cultivées en pommes de terres, elle se poursuit. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, le nombre d'hectares en pommes de terre a augmenté de 50% en dix ans.

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