Procès de la vache folle : la justice, dans l'impasse, va prononcer un non-lieu
Le parquet a requis un non-lieu général dans le procès de la vache folle, faute de pouvoir établir un lien irréfutable "entre les éléments en cause et les décès".
C'est une enquête de près de 17 ans qui pourrait se terminer par un non-lieu général, si les juges suivent l'avis du parquet de Paris dans le procès de la vache folle.
Quatre responsables d'usines qui fabriquaient des aliments pour le bétail sont poursuivis (l'un d'eux est depuis décédé). Ils sont soupçonnés d'avoir importé de la viande de boeuf britannique, alors frappée d'un embargo, et d'avoir ainsi contribué à la propagation de la maladie en France en l'utilisant dans leurs produits. Francetv info revient sur l'instruction qui devait déboucher sur le plus grand procès de la vache folle en France et qui a fait pschitt.
Comment les enquêteurs sont remontés jusqu'à ces quatre industriels ?
Tout commence en 1996 par une plainte contre X déposée par l'association UFC-Que Choisir. Les premiers cas de la maladie de Creutzfeldt-Jacob - la forme humaine de la vache folle - viennent d'être découverts en France, les familles des deux premières victimes décédées se joignent à la plainte. Le 28 mai 1997, le pôle de santé publique du parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour déterminer l'origine de la contamination des bovins morts. Un origine que l'on soupçonne alimentaire : les enquêteurs ont une liste de 65 bovins morts de l'Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, le nom scientifique de la vache folle) et recherchent des fabriquants d'aliments qui fournissaient les élevages d'où provenaient ces bovins. Ils en trouvent finalement trois, explique Le Parisien (article payant) : deux coopératives agricoles de l'Union des coopératives agricoles de Normandie (Ucanor) et la société Alimex, en Eure-et-Loir. Trois dirigeants d'Ucanor et un d'Alimex sont mis en examen, dans un premier temps pour homicide involontaire.
Que reproche-t-on aux mis en examen ?
Selon Me Bernard Fau, avocat des parties civiles, contacté par francetv info, c'est devant "des problèmes pour établir un lien de causalité" entre l'alimentation des bovins et les décès des bovins comme des humains que le juge d'instruction "a rebasculé sur un chef d'accusation de "tromperie aggravée"". Tromperie qui pourrait être constituée par le fait d'avoir vendu des produits contaminés, mais aussi des produits d'une origine sous embargo.
Les enquêteurs soupçonnent en effet les quatre industriels d'avoir importé de la viande du Royaume-Uni, via des filières passant notamment par l'Italie et l'Irlande. Or l'importation de viande de boeuf provenant du Royaume-Uni, et de tous ses produits dérivés, était interdite depuis mars 1996. De la viande potentiellement contaminée, "qui ne valait plus rien" selon Bernard Fau, et qui aurait pu être utilisée pour fabriquer des aliments à base de protéines ou des farines animales.
Ces farines, qui contiennent de la moelle épinière bovine, sont suspectées d'être à l'origine de la transmission de la maladie aux vaches françaises. La perquisition des usines visées, avant la mise en examen, "laissait penser que de petites quantités de protéines ou farines animales à la traçabilité douteuse" pouvaient y avoir été utilisées, raconte Le Parisien.
Pourquoi l'enquête n'est pas allée plus loin ?
L'échec de l'instruction pour "homicide involontaire" était inévitable, selon Bernard Fau. Les enquêteurs du pôle de santé publique se heurtent au manque de traçabilité en vigueur à l'époque dans l'industrie de la viande. Sans traçabilité, impossible de savoir si les bovins morts de l'ESB ont bien ingéré les aliments produits par les trois usines mises en cause. De même, impossible d'affirmer que ces aliments ont contaminé de la viande consommée par les victimes humaines de la maladie de Creutzfeldt-Jacob. "On est de toute façon incapables de savoir quel morceau de viande a contaminé un malade" rappelle l'avocat des parties civiles.
Le parquet estime que ce sont également des problèmes de traçabilité qui ont empéché les enquêteurs de prouver qu'il y avait eu "tromperie". L'instruction n'a "pas permis d'établir de façon certaine que la nourriture distribuée aux bovins contenait des protéines animales" explique à l'AFP une source judiciaire. Et quand bien même ces produits auraient été utilisés, impossible de déterminer s'ils provenaient du Royaume-Uni, les farines étant souvent composées de morceaux de centaines d'animaux.
En somme, le flou règne sur les agissements des producteurs d'aliments pour bovins, un flou qui ne permet pas que "les différentes infractions reprochées aux trois personnes mises en examen" soient suffisamment caractérisées, selon le parquet. Quand bien même l'enquête a démontré l'existence de dysfonctionnements dans les filières d'approvisionnement. Un échec qui finit par "poser question, selon Bernard Fau, sur l'utilité d'une justice dans le domaine de la santé publique".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.