Sarkozy privé de parole en Martinique
Nicolas Sarkozy n'a eu droit qu'à une brève allocution, à sa descente de l'avion et face à la presse. Pendant la cérémonie, il a été prié de ne pas s'exprimer. Il était juste là en représentation, à la tête d'une délégation composée de plusieurs ministres. La famille d'Aimé Césaire avait en effet souhaité que l'hommage soit simple et apolitique. En filigrane, la communauté antillaise craignait surtout une forme de récupération politique.
En Martinique, on se souvient en effet avec aigreur du discours prononcé par le chef de l'Etat en juillet dernier à Dakar. "Le drame de l’Afrique, c’est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire" déclarait alors Nicolas Sarkozy. Des propos qui avaient heurté la population. Le porte-parole du CRAN (Conseil représentatif des associations noires) mettait en garde il y a quelques jours : "Que Nicolas Sarkozy aille aux obsèques, très bien, mais il faut alors qu'il y ait rupture avec les discours de Dakar et de Toulon (sur "l'immigration maîtrisée", NDLR) sinon ce ne sera qu'une pure mascarade", estimait Louis-George Tin.
Au delà du ressenti de la population, il y a surtout le respect dû au défunt : Aimé Césaire et le président ont toujours entretenu des relations assez chaotiques. Le poète n'appréciait guère les positions de l'ancien ministre de l'Intérieur sur la présence française outre-mer. En 2005, Césaire, qui recevait régulièrement les personnalités en visite en Martinique, avait même refusé de le rencontrer. Objet du litige: la loi de février 2005, dont un article mentionnait "le rôle positif de la présence française outre-mer". Une formule que le père de la "négritude", de tous les combats contre le colonialisme, ne pouvait accepter. En mars 2006, il avait finalement reçu Nicolas Sarkozy, lui offrant son célèbre pamphlet "Discours sur le Colonialisme" de 1950.
Anne Jocteur Monrozier
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