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L'ordre protocolaire des ministres, à quoi ça sert ?

Que signifie l'ordre dans lequel sont annoncés les ministres lors d'un remaniement ministériel ?

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le Conseil des ministres, présidé par François Hollande, en juin 2012. (PHILIPPE WOJAZER / AFP)

A chaque fois, le rituel est le même. Sur le perron de l'Elysée, le secrétaire général de la présidence de la République s'approche du micro installé quelques minutes plus tôt, et égrène les noms des ministres. Ni ordre alphabétique, ni ordre thématique. Seul l'ordre protocolaire compte. Mercredi 2 avril, Pierre-René Lemas a ainsi prononcé le nom de Laurent Fabius en premier, juste avant celui de Ségolène Royal, promue à un prestigieux rang de numéro 3 du gouvernement Valls.

Comment interpréter l'ordre protocolaire ?

Autant le dire d'emblée, l'ordre protocolaire n'a pas d'utilité autre que symbolique ou honorifique. Cependant, lorsqu'un nouveau gouvernement est annoncé, la position des ministres est scrutée de près par les observateurs.

"La hiérarchie gouvernementale résulte d'un choix discrétionnaire du président de la République et du Premier ministre lors du décret de nomination, écrivent Henri Oberdorff et Nicolas Kada dans leur ouvrage Institutions administratives (Sirey, 2013). La lecture de ce décret constitutif du gouvernement est donc toujours très riche d'enseignements."

Ainsi, la troisième place de Ségolène Royal peut s'interpréter politiquement comme une marque d'honneur envers celle qui accéda en 2007 au second tour de l'élection présidentielle. Elle marque aussi, après la sortie des Verts du gouvernement, l'importance donnée au portefeuille de "l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie" dont elle a hérité. Son prédécesseur, Philippe Martin, ne pointait qu'en 11e position pour un intitulé équivalent.

Parfois, l'ordre protocolaire peut fournir des indices sur des questions existentielles. Dernier exemple en date : qui de Michel Sapin (Finances et comptes publics, 6e) ou d'Arnaud Montebourg (Economie, redressement productif et numérique, 7e) sera-t-il le chef de Bercy et de ses puissantes administrations ? L'ordre protocolaire offre une réponse évidente. C'est donc Michel Sapin qui occupera le fameux bureau du 6e étage de Bercy, historiquement dévolu au ministre de l'Economie et des Finances.

Ministre, secrétaire d'Etat… quelles différences ?

Dans un gouvernement, tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité. Au-delà de l'ordre protocolaire, les membres du gouvernement peuvent avoir le titre (du plus prestigieux au moins prestigieux) de ministre d'Etat, de ministre, de ministre délégué ou de secrétaire d'Etat.

Les ministres d'Etat. Le gouvernement Valls, pas davantage que celui de Jean-Marc Ayrault, ne compte aucun ministre d'Etat. Sous la mandature précédente, Michèle Alliot-Marie a occupé ce rang de 2009 à 2011, à la Justice puis aux Affaires étrangères, de même que Jean-Louis Borloo de 2007 à 2010 au ministère de l'Ecologie. Nicolas Sarkozy, patron de Bercy de 2004 à 2005 sous Raffarin, avait également occupé ce grade, conservé lors de son retour à l'Intérieur sous Villepin, de 2005 à 2007. Le titre de ministre d'Etat est purement honorifique, mais permet d'apparaître tout en haut de l'ordre protocolaire, juste derrière le Premier ministre. Il ne confère à son bénéficiaire aucune prérogative particulière par rapport aux autres ministres.

Les ministres. C'est la catégorie la plus fréquente parmi les membres du gouvernement. Leur nombre est à la discrétion du président de la République et du Premier ministre. Si les intitulés des portefeuilles régaliens (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, etc.) ne changent généralement pas, d'autres subissent des évolutions sémantiques. Ainsi, jusqu'en 2002, on parlait de ministres de l'Environnement. Depuis, tous ont reçu le titre de ministres de l'Ecologie.

Les ministres délégués. Ils sont rattachés à un ministre ou directement au Premier ministre. "Ils agissent sur délégation de leur ministère de tutelle, dont ils reçoivent leurs instructions. ils disposent néanmoins de la faculté de contresigner seuls les décrets relevant de leur domaine de compétence", écrit Gérard Pardini dans son manuel Grands principes constitutionnels : Institutions publiques françaises (L'Harmattan, 2009).

Les secrétaires d'Etat. Ils sont également délégués auprès d'un ministère de plein exercice. A la différence des ministres délégués, ils ne peuvent contresigner les décrets, et n'ont pas de budget propre. De surcroît, ils ne siègent pas à la table du Conseil des ministres, sauf lorsqu'ils y sont expressément invités, par exemple lorsqu'un dossier relevant de leurs prérogatives y est discuté.

Une autre catégorie, en vogue sous les IIIe et IVe République, et remise au goût du jour sous Nicolas Sarkozy, tient une place à part dans le protocole : le haut-commissaire. Martin Hirsch occupa ainsi le poste de haut-commissaire aux Solidarités actives de 2007 à 2010. Une façon, pour cette personnalité de gauche, de ne pas apparaître comme un ministre au même titre que ses collègues de droite, tout en siégeant au Conseil des ministres.

Quels avantages à avoir un rang élevé ?

Financièrement, l'ordre protocolaire n'a que peu d'influence sur la rémunération des ministres. Si le chef du gouvernement est de loin le mieux payé (14 910 euros par mois), les ministres et ministres délégués, quel que soit leur rang, sont à peine mieux lotis que les secrétaires d'Etat (9 940 euros contre 9443 euros).

En revanche, le protocole ne laisse rien au hasard lors des cérémonies officielles. Un décret du 13 septembre 1989 définit un ordre de préséance, au sommet duquel on retrouve le président de la République, puis le Premier ministre, le président du Sénat, celui de l'Assemblée nationale, puis les membres du gouvernement, dans l'ordre protocolaire. Lors d'une cérémonie, la plus haute autorité est placée au milieu de la première rangée. Les autorités suivantes sont disposées alternativement à sa droite, puis à sa gauche, du centre vers l'extérieur. Le décret prévoit même le cas où les rangées sont disposées non pas en un bloc, mais en deux blocs !

De même, les éventuelles prises de parole sont extrêmement codifiées : "les allocutions sont prononcées par les autorités dans l'ordre inverse des préséances", précise le décret. Autrement dit, le plus haut dans le protocole parle en dernier.

Au Conseil des ministres, la disposition a également son importance. "Le Président de la République et le Premier ministre se font face au centre de la table" note Michel Lascombes dans son ouvrage Le Droit constitutionnel de la Ve République (L'Harmattan, 2010). Les ministres d'Etat, puis les ministres, sont ensuite disposés de part et d'autre du chef de l'Etat et du Premier ministre selon leur ordre protocolaire. Ce qui a fait dire à Europe 1 qu'en cas d'absence du numéro 2, Laurent Fabius, c'est Ségolène Royal, la numéro 3, qui se retrouverait à côté de François Hollande, son ancien compagnon.

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