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Trois questions sur les départements au bord de la faillite

Le président des départements de France (ADF) a rencontré François Hollande, vendredi 24 juillet, pour faire part de son inquiétude. Francetv info revient sur les causes de ces difficultés financières. 

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France, arrive à un meeting de l'UMP le 10 juin 2014, à Paris. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Dominique Bussereau tire la sonnette d'alarme. Le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) estime qu'un à cinq départements "risquent de se déclarer en faillite d'ici à la fin de l'année si rien n'est fait", dans une interview publiée par Les Echos, lundi 27 juillet. Un constat inquiétant qui serait, en partie, le résultat d'une hausse des prestations sociales et d'une baisse des recettes provenant de l'Etat, selon le président (Les Républicains) du conseil départemental de Charente-Maritime. 

Au total, les départements cumuleraient huit milliards d'euros à leur charge. Dominique Bussereau a fait part de son inquiétude au président de la République, François Hollande, vendredi 24 juillet, lors d'une réunion, ainsi qu'au Premier ministre quelques jours plus tôt.

Francetv info revient sur les déclarations de Dominique Bussereau et les causes des difficultés rencontrées par ces collectivités. 

Quels sont les départements en difficulté ? 

La situation est préoccupante pour plusieurs d'entre eux. "Le plus critique est le Nord dont la précédente présidence n'avait budgété que onze mois de RSA sur douze", pointe du doigt le président de l'ADF. A noter que le territoire a basculé à droite lors des départementales de mars 2015.

Un rapport de 2010 détaille leur situation financière (lien en PDF). Son auteur, Pierre Jamet, conseiller maître à la Cour des comptes et directeur général des services du conseil général du Rhône à l'époque, donne quelques exemples de départements en difficulté, qu'ils soient ruraux ou urbains. La Creuse, la Corrèze, la Seine-Saint-Denis ou encore le Pas-de-Calais sont considérés comme des territoires fragiles par le document. Cinq ans après, Dominique Bussereau donne une estimation de l'ampleur du phénomène. "Le cabinet Klopfer estime qu'une trentaine [d'entre eux] pourraient être dans cette situation fin 2016"

Pourquoi se retrouvent-ils dans cette situation ? 

Plusieurs facteurs expliquent cette fragilité. Comme l'explique Dominique Bussereau, les dépenses sociales, à leur charge depuis les années 2000, ont progressé de 13% du fait de la montée du chômage. Les collectivités locales étaient parvenues, dans un premier temps, à absorber l'impact de ces nouvelles compétences (RSA ou encore allocation personnalisée d'autonomie). "Le choc a été artificiellement amorti par le transfert de la fiscalité de l'immobilier vers les départements", explique Patrick Le Lidec, docteur en sciences politiques et spécialiste des réformes territoriales, contacté par francetv info. Sauf que, à partir de 2008, ils font face à une situation budgétaire complexe. "Le taux de chômage augmente, les charges également, et cela sans qu'il y ait une augmentation des recettes pour compenser." 

La baisse des dotations de l'Etat a eu pour conséquence de "réduire les marges de manœuvre des départements qui se sont retrouvés face à un dilemme : soit augmenter les impôts, soit diminuer les prestations. Des mesures qui ne sont pas populaires." Par ailleurs, l'augmentation des impôts ou encore le renforcement de la péréquation, c'est-à-dire une répartition des recettes plus équilibrée entre les collectivités, n'ont pas suffi à faire face à l'accroissement des dépenses sociales.

Autre cause avancée par Dominique Bussereau : le transfert progressif vers les régions de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, ancienne taxe professionnelle), "soit 3,9 milliards d'euros en moins chaque année pour les départements". Pour Patrick Le Lidec, cela va les "contraindre à diminuer leurs prestations facultatives comme le sport, la culture ou le tourisme"

Un département peut-il vraiment faire faillite ? 

Les déclarations de Dominique Bussereau et l'emploi du terme "faillite" sont avant tout destinés à marquer les esprits. "Le terme de faillite est totalement inapproprié. Il y a la volonté d'attirer l'attention sur un problème", assure Patrick Le Lidec. L'issue est beaucoup plus complexe pour les départements au bord du gouffre financier. Dans le cas où une collectivité fragile refuse de diminuer ses dépenses ou d'augmenter ses impôts, c'est le préfet qui prend en main le budget. "C'est lui qui va tailler dans les dépenses ou reporter des budgets pour certains projets, comme des travaux par exemple", ajoute le chargé de recherche au CNRS. 

La loi sur la nouvelle organisation territoriale (NOTRe) a modifié le rôle des départements. "Ces derniers conservent leurs compétences, mais les modalités de financement fiscal sont menacées. Ils se battent pour préserver leurs recettes", analyse Patrick Le Lidec. Les responsables de ces collectivités demandent aussi une aide directe de l'Etat. "Il faut accorder des moyens supplémentaires [à celles qui sont] le plus en difficulté", affirme Dominique Bussereau. Mais, pour le chercheur, le gouvernement "ne va pas mettre quelques milliards sur la table". Pour répondre à l'urgence de la situation, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé qu'un groupe de travail Etat-ADF allait être mis en place. La première réunion se tiendra mercredi 29 juillet. 

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