Quand le gouvernement fait la pub des restaurateurs
Le document que publie aujourd'hui le quotidien La Tribune pourrait faire franchement sourire. Dans un style qui oscille entre le grotesque, la paranoïa et la mauvaise foi caractérisée, il pourrait tenir d'une farce aux vagues accents de Tartarin de Tarascon. Mais il laisse entendre une note plus grave que la parodie involontaire : le mélange des genres, au nom d'une collusion d'intérêts.
Car ce document porte sur une campagne de promotion “coup de poing” pour les restaurateurs, sur la première quinzaine de décembre. Et il révèle que cette campagne semble orchestrée par... le gouvernement, et non pas par les organismes professionnels du secteur. En bas de page, il indique en effet les contacts référents pour l'opération, en ces mots : “Pour toute question relative à la communication : Cabinet de Monsieur Hervé Novelli”, et donne une adresse mail et un téléphone.
L'OPINION PUBLIQUE VUE COMME UNE MENACE
Or, “Monsieur Hervé Novelli” se trouve être secrétaire d'Etat au commerce et à la consommation. C'est lui qui négocie avec les restaurateurs pour qu'ils appliquent enfin les contreparties prévues à la baisse de la TVA, fixées lors des états généraux de la restauration en avril. Jusqu'à présent, la moitié seulement des établissements ont respecté ces clauses. Résultat, la baisse de l'addition n'a été que de 1,5% au lieu de 3%. Et comme la mesure coûte trois milliards d'euros, forcément, l'opinion publique a du mal à la digérer. Tout comme les sénateurs qui ont envoyé un avertissement la semaine dernière.
Mais pour le donneur d'ordre de cette campagne - Oséo et le secrétariat d'Etat à la consommation, donc - le problème semble se situer plutôt dans la forme que dans le fond. Si “les Français estiment à 73% que les restaurateurs n'ont pas joué le jeu en matière de baisse des prix”, explique le document, ce n'est pas parce que c'est la vérité, mais parce que la chose n'a pas été “bien” expliquée par les médias. D'où ce constat : “L'opinion publique, largement alimentée par les médias, constitue aujourd'hui une menace pour la bonne marche de la réforme”.
RISQUE ELECTORAL
Cette formule, classique sous la plume des lobbyistes, a tout de même de quoi surprendre quand elle émane du gouvernement. Elle permettra peut-être d'alimenter la réflexion en cours d'éducation civique, voire de philosophie. Si la puissance publique se charge de jouer les bateleurs pour le compte des restaurateurs, ce serait, selon La Tribune, parce que la faiblesse et la division des organismes professionnels du secteur les empêchent de le faire eux-même. Et pour que la baisse de la TVA ne coûte pas trop de voix lors des prochaines élections, le gouvernement a intérêt à ce que les restaurateurs jouent le jeu. Mais ils semblent peu disposés à le faire, d'autant que Nicolas Sarkozy a promis que de toute façon, il ne reviendrait pas sur la mesure. En cuisine, quand il n'y pas l'ingrédient, on peut le remplacer par l'arôme artificiel. C'est l'option choisie par le “chef” gouvernemental, qui lance donc un appel aux agences de publicité pour qu'elles trouvent les mots qui feront passer la pilule.
Et il y a fort à parier qu'elles vont rivaliser d'imagination, puisque le budget de cette campagne s'appuie sur un pactole de neuf millions d'euros, qui y sera donc en partie consacré (900.000 euros pour les seuls honoraires, croit savoir La Tribune). Il s'agit de la ligne “promotion” du fond de modernisation de la restauration géré par Oséo. son principal objectif est d'aider les petits restaurateurs à se mettre aux normes.
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