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"Je n'aurai pas d'état d'âme à soutenir Macron" : chez les députés PS, une tentation de moins en moins taboue

De plus en plus de socialistes plaident pour que "le camp des progressistes" se rassemble derrière Emmanuel Macron s'il semble mieux placé que le candidat issu de la primaire de la gauche. Nous avons interrogé certains de ces élus. 

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Emmanuel Macron, candidat à l'élection présidentielle, en meeting à Lille, le 14 janvier 2017. (DENIS CHARLET / AFP)

Ils sont de plus en plus nombreux à le prendre au sérieux. Installé comme troisième homme de la présidentielle dans les sondages, auteur d'une campagne qui semble mobiliser les foules, Emmanuel Macron donne des sueurs froides aux élus socialistes, qui ne savent plus sur quel pied danser.

A moins d'une semaine du premier tour de la primaire de la gauche, organisé dimanche 22 janvier, des bataillons entiers de députés socialistes n'ont toujours pas exprimé de préférence parmi les sept candidats en lice. Certains, encore déboussolés par le renoncement de François Hollande, scrutent les programmes jusqu'au dernier moment. Mais pour d'autres, ce silence révèle un véritable dilemme : et si Emmanuel Macron restait l'unique chance pour "le camp des progressistes" de figurer au second tour de la présidentielle ?

"Pour l'instant, je m'abstiens de prendre la parole publiquement pour ne pas nuire à la primaire, confie sous couvert d'anonymat une figure du groupe PS à l'Assemblée. Je ne veux pas mettre de l'huile sur le feu, mais soyons clairs : si moins de 1 ou 1,5 million d'électeurs se déplacent dimanche prochain, ce sera un échec. Et comme beaucoup de parlementaires PS, je rejoindrai alors Emmanuel Macron." 

"Je ferai le choix de la raison"

Selon cet élu, beaucoup de ses collègues socialistes seraient séduits par l'ancien ministre de l'Economie, mais dans l'impossibilité de le dire ouvertement, sous peine de se faire accuser de torpiller la primaire et donc leur propre camp. D'après lui, une fois le scrutin terminé, tout est possible, surtout si le vainqueur n'est pas Manuel Valls ou que l'ancien Premier ministre gagne sans panache. "Je ferai le choix de la raison", explique ainsi le député du Pas-de-Calais Michel Lefait à franceinfo.

Si un candidat socialiste crève l'écran lors de la primaire et s'impose de manière incontestable, je voterai pour lui. Mais si ce n'est pas le cas, je n'aurai pas d'état d'âme à soutenir Macron.

Michel Lefait, député PS

à franceinfo

Signe de la fébrilité qui parcourt les rangs du PS à l'approche du verdict : des partisans de l'ex-Premier ministre commencent à évoquer ouvertement la nécessité de discussions entre Manuel Valls et le leader d'En marche !, pour éviter le scénario d'un second tour Fillon-Le Pen. Manuel Valls a lui-même assuré, lundi matin sur Europe 1, que "bien évidemment", il discuterait, en cas de victoire à la primaire, avec son ancien ministre de l'Economie.

"On verra ce qui se passe après la primaire..."

"Je n'ai pas idée de la solution, mais il faudra que, dès le premier tour, il n'y ait qu'une seule candidature des progressistes de gauche", estime Yves Blein, un député du Rhône qui soutient Manuel Valls. Marc Goua, député pro-Valls du Maine-et-Loire, va plus loin : "Je soutiens Manuel Valls jusqu'à la fin de la primaire. On verra ce qui se passe après…" lâche cet élu qui ne se représentera pas aux législatives en 2017.

On est tous un peu en train de se poser des questions sur la suite. Mais à un moment, il faudra savoir ce que l'on veut : un duel entre la droite et l'extrême droite, ou bien une discussion pour créer le rassemblement.

Marc Goua, député PS soutien de Manuel Valls

à franceinfo

Après avoir parrainé la candidature de Manuel Valls et assisté à son meeting de Liévin, le député du Pas-de-Calais Nicolas Bays a accompagné Emmanuel Macron durant toute une après-midi, le 13 janvier, lors de sa venue dans sa circonscription. Pourquoi jouer sur les deux tableaux ? "Dans cette présidentielle, nous porterons tous la responsabilité de sortir notre pays par le haut ou de le voir sombrer dans l'obscurantisme, se justifie-t-il. Dans quelques semaines, il s'agira de regarder qui aura la meilleure dynamique et de nous rassembler derrière ce candidat."

"S'ils veulent nous rejoindre, c'est maintenant", préviennent les macronistes

Si un frondeur sort vainqueur de la primaire, ou que Manuel Valls est mal élu, "il faudra tolérer qu'il puisse y avoir un appel demandant au PS de se ranger derrière Macron", prévient un autre soutien de l'ancien Premier ministre. Pour le moment, les signataires potentiels sont peu nombreux à être sortis du bois. Leurs rangs pourraient être beaucoup plus étoffés après la primaire, d'autant que des poids lourds commencent aussi à se positionner. "Une fois désigné le vainqueur de la primaire, je verrai en fonction de tout : de l’ambiance, du niveau de la primaire, de ce qui se passe, de ce qui se dit", a indiqué au JDD Ségolène Royal, qui admet par ailleurs donner des conseils à Emmanuel Macron.

Les hésitations socialistes incitent les proches de l'ancien ministre de l'Economie à pousser leur avantage. Forts de la popularité de leur leader, ils se permettent même d'adresser aux élus PS une forme d'ultimatum, sachant que la question des législatives trotte dans toutes les têtes. "Il n’y aura pas d'accord d’appareil, ni de grande réconciliation post-primaire. A ceux qui m’appellent, je leur dis que c'est la même chose que les socialistes du 11 mai : il n'y aura pas de macronistes du 30 janvier. S'ils veulent nous rejoindre, c'est maintenant", menace un proche de l'ancien ministre cité par L'Opinion. Un autre est même encore plus direct dans Le Parisien.

On ne prendra pas les crevards.

Un proche d'Emmanuel Macron

au "Parisien"

"Macron aura besoin de nous, relativise un député socialiste, soulignant que le candidat plafonne pour l'instant à 20% dans les sondages. Donc les choses peuvent encore attendre quelques semaines !" Bien que la direction du PS menace régulièrement d'exclure ses candidats qui rejoignent En marche !, un poids lourd du groupe socialiste à l'Assemblée reconnaît que le parti devra faire des efforts s'il veut éviter un face-à-face mortifère lors de la présidentielle : "On n'aura pas d'autre choix que d'aller vers un accord avec Macron, du type : 'On leur laisse 30 circonscriptions et on prend le reste', mais on ne peut pas le dire aujourd'hui." Pas sûr non plus que la combine suffise à contenter les macronistes.

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