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Présidentielle : dans les Alpes-Maritimes, les électeurs de Fillon hésitent entre Macron et Le Pen

Si les jeunes militants des Républicains veulent faire barrage au Front national en votant pour le candidat d'En marche !, les sympathisants, eux, sont partagés.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
La permanence de Christian Estrosi et de la section départementale des Républicains, le 26 avril 2017 à Nice (Alpes-Maritimes). (BENOIT ZAGDOUN / FRANCEINFO)

"Ici, on a été les champions", se félicite, pince-sans-rire, Joseph Le Chapelain, le maire de Saint-Paul-de-Vence, qui, abrité sous son parapluie, se rend à des obsèques d'un pas pressé. Dans les Alpes-Maritimes, son touristique village des hauteurs de Nice fait figure d'exception. Au premier tour de l'élection présidentielle, les électeurs y ont voté à 43,2% pour François Fillon, plaçant le candidat des Républicains (LR) très loin en tête, devant Marine Le Pen à 20,8% et Emmanuel Macron à 19,7%.

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Mais pour le second tour, l'édile se garde de tout pronostic. "Mes électeurs sont plutôt Marine Le Pen, mais les élus sont plus LR et UDI", explique-t-il. Lui va voter pour Emmanuel Macron, même s'il préfère le dire avec une autre formule : "Il faut faire barrage au Front national."

"Macron peut amener quelque chose de neuf" 

Dans les rues tortueuses de Saint-Paul, les galeristes ont, eux aussi, choisi leur camp. "Je suis de droite. J'ai toujours voté à droite. Alors j'ai voté pour François Fillon par loyauté. Mais il a sacrifié le parti et les élus avec ses ambitions et ses affaires", assène Philippe, en accrochant ses tableaux à l'entrée de son magasin.

Une rue commerçante de Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes), le 27 avril 2017. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCEINFO)

Pour le second tour, le commerçant votera pour Emmanuel Macron. "Je pense que ses idées ne sont pas mauvaises. Sa jeunesse et son dynamisme, c'est intéressant, ça peut amener quelque chose de neuf", juge-t-il. "Mais si jamais Macron ne réussit pas, prédit-il, à la prochaine élection, ce sera 50-50. Et dans dix ans, le FN passera. Bien sûr, il ne s'appellera plus comme ça et ce sera peut-être Marion Maréchal-Le Pen, parce qu'elle est plus jeune et plus radicale."

"Je ne supporte plus cette clique de gauche"

Beryl, l'antiquaire qui ouvre sa boutique, fera certainement le choix inverse. "J'ai voté Fillon. Je vote à droite, parce que mes intérêts sont à droite", commente-t-elle, sans état d'âme, avant d'ajouter : "Je suis très fâchée contre Fillon qui s'est rallié à Macron en rase campagne." Hors de question pour elle de suivre les consignes des ténors des Républicains qui, à l'instar du président de la région Paca, Christian Estrosi, ont appelé à voter pour Emmanuel Macron, dès le soir de leur défaite.

"Macron me hérisse. Je le trouve arrogant, prétentieux et très agressif, incapable de garder ses nerfs. Je ne supporte plus ce côté bobo, cette clique de gauche, ces énarques, tout à fait dans le microcosme parisien, peste-t-elle. Au second tour, je vais peut-être voter Le Pen."

Il faut crever l'abcès. Marine Le Pen n'a jamais été au pouvoir. Il faut peut-être l'essayer. Si elle est bien, on la réélira. Si elle ne fait pas l'affaire, on la dégagera.

Beryl, antiquaire à Saint-Paul-de-Vence

à franceinfo

"Peut-être que je vais voter blanc"

Autour de la halle de la vieille ville de Menton, les touristes et les habitués se font rares en ce matin pluvieux. Les commerçants ont tout le loisir de songer au bulletin de vote qu'ils glisseront dans l'urne, dimanche 7 mai. 

Le marché couvert de Menton (Alpes-Maritimes), le 26 avril 2017. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCEINFO)

Véronique, 52 ans, a voté pour François Fillon au premier tour. Et forcément, elle est "déçue". "Je ne sais pas pour qui voter", confesse-t-elle, derrière sa caisse enregistreuse. "L'une c'est l'extrême, l'autre c'est la gauche et on a déjà donné pendant cinq ans. Peut-être que je vais voter blanc", en conclut-elle. Pourtant, ce n'est pas dans les habitudes de cette fidèle électrice de droite. Elle n'est "pas du tout convaincue" par les appels à voter pour le candidat d'En marche ! : "Ces retournements de vestes m'énervent. Tout ça pour contrer quelqu'un."

"Avec ses lois, Macron nous a mis dans la galère"

Derrière son étal de fruits confits, d'olives et d'épices, Caroline, 46 ans, a "besoin de vider son sac". "Je suis de droite, alors j'ai voté pour François Fillon, malgré les affaires, confie-t-elle. Les histoires d'argent, tout le monde en fait. Et derrière tout candidat, il y aura toujours une histoire noire. On en a trouvé pour Mitterrand, pour Chirac, pour Sarkozy… Ce n'est pas ça qui m'arrête."

Elle ne sait pas encore pour qui voter le 7 mai. "Mais je ne voterai pas blanc, assure la commerçante. Voter Macron, ce n'est pas possible. Il sort de nulle part. Il a été formé par Hollande. Il a été banquier et on sait bien qu'en réalité ce sont eux qui font la politique. C'est quand même l'ancien ministre de l'Economie et avec ses lois, il nous a mis dans une belle galère, nous les TPE. Voter Marine, je ne sais pas. Je n'ai jamais voté Le Pen. Ce ne sont pas mes convictions. Elle n'a jamais été au pouvoir. Ça peut être dangereux." 

"Bébé Hollande"

A la terrasse d'un café, Dédé et Auguste, deux vieux copains mentonnais de 70 et 80 ans, finissent leurs tasses. Dans leurs familles, "on était communiste de père en fils". Ça ne les a pas empêchés de préférer la droite. Et s'ils ont voté pour François Fillon au premier tour, ils sont bien décidés à voter pour Marine Le Pen au second.

"Le choix était simple", assurent-ils. "Macron, c'est un ovni mis en place par le grand capital", assène l'un. "C'est un bébé Hollande", renchérit l'autre. Les appels à voter pour Emmanuel Macron les ont "écœurés". "Les gens n'ont pas besoin qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire ou penser. C'est un scandale." Pour eux, la raison de ce "front républicain" est toute trouvée : "La place est bonne, alors ils veulent se la garder pour eux." Si, cette fois, ils vont voter pour l'extrême droite, "c'est pour mettre un coup de pied dans la fourmilière", lâche Dédé. "Il y en a assez de ces gens qui font de la politique un métier alors que ça devrait être une vocation."

Les militants LR des Alpes-Maritimes ne sont pas très loquaces. A l'image des trois retraités qui tiennent la permanence de l'indéboulonnable député-maire de Menton, Jean-Claude Guibal. "Les militants ne vous parleront pas. Quand on parle aux journalistes, on voit ce que ça donne", persiflent-ils dans une allusion à la campagne présidentielle de François Fillon, pourrie par les affaires et les révélations en cascade. "On ne reçoit pas les journalistes. On a pour consigne de ne pas parler à la presse", confirme-t-on à la permanence LR des Alpes-Maritimes, dans le centre-ville de Nice.

Des panneaux d'affichage électoraux installés pour le second tour de l'élection présidentielle, le 27 avril 2017 à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes). (BENOIT ZAGDOUN / FRANCEINFO)

"Il y a un deuil à faire"

Certains militants plus jeunes acceptent facilement, eux, de nous parler, dans un café niçois. David Nouy, 20 ans, représentant des étudiants LR des Alpes-Maritimes, Lucas Magliulo, 22 ans, responsable des Jeunes Républicains du département, et leur amie Estelle, 26 ans, militante depuis six ans, suivront la consigne de vote explicite donnée par leur mentor, Christian Estrosi. Ils voteront Macron même si, selon Estelle, le candidat d'En marche ! "garde l'étiquette François Hollande, on ne la lui enlèvera pas". Tous trois sont nés à la politique avec Nicolas Sarkozy. Ils sont "sarkozystes dans un département sarkozyste", mais ils ont "respecté les règles de la primaire" et fait la campagne de François Fillon, assure David.

"Il y a un deuil à faire", reconnaît-il cependant. "C'est quand même la première fois que la droite n'est pas présente au second tour de la présidentielle depuis le début de la Ve République, renchérit Estelle. Toute la campagne s'est faite contre Emmanuel Macron, alors qu'il y avait un autre risque beaucoup plus grand : le Front national." "Il faut comprendre cette déception, poursuit David. On a passé six mois à critiquer Emmanuel Macron, à faire campagne contre l'héritier du hollandisme, et maintenant, il faut aller voter pour lui. Il faut un peu de temps pour faire passer les choses."

"Le risque que Le Pen soit élue est sous-estimé"

"On est un peu étonnés par cette prise de position", glisse Estelle à propos d'Eric Ciotti, le député des Alpes-Maritimes qui s'est refusé à appeler à voter Macron. "Il est peut-être sous le choc de ce qu'il s'est passé. On espère qu'il va se ressaisir et qu'il fera le bon choix au second tour." "Il ne faut ni voter blanc, ni s'abstenir. Il faut prendre ses responsabilités. Il en va de l'intérêt de la France, lance Lucas. Il y a un risque que Marine Le Pen soit élue au second tour, à cause de l'abstention, et je pense que ce risque est sous-estimé."

Il est temps de dépasser les clivages gauche-droite traditionnels. Aujourd'hui, il y a d'un côté les conservateurs et de l'autre les progressistes.

Estelle, militante des Jeunes Républicains

à franceinfo

La présidentielle perdue, les trois militants se lancent déjà dans la bataille d'après : les législatives. "On n'est pas devenus En marche !. On n'a pas prévu de fusionner. L'objectif, ça reste de gagner les législatives pour porter l'alternance et la cohabitation", expose David. "On ne peut pas imaginer une cohabitation avec Marine Le Pen. La seule personne avec qui on peut imaginer bâtir une cohabitation, discuter et s'entendre sur certaines idées, c'est Emmanuel Macron."

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