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A Nice, les militants socialistes dépités par "le coup de poignard dans le dos" de Christophe Castaner

Dans la ville des Alpes-Maritimes, les adhérents et les sympathisants du Parti socialiste ont du mal à se résoudre à voter pour Christian Estrosi, le maire, élu des Républicains. Reportage.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La permanence de la section du Parti socialiste de Nice-Ouest (Alpes-Maritimes), le 7 décembre 2015. (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Dans le petit local de la rue Auguste Pegurier, à Nice (Alpes-Maritimes), les mines sont graves. On donne un dernier coup de balai, avant la mise en sommeil de cette permanence du Parti socialiste. Le seul sourire est sur les lèvres de Christophe Castaner, le candidat socialiste à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont les affiches recouvrent les murs. "On aurait aimé que vous veniez nous voir pendant la campagne, maintenant, ça ne sert plus à rien", lâche une militante PS en nous congédiant. 

Dimanche 6 novembre, le Parti socialiste n'a recueilli que 16,59% des suffrages en Paca, loin derrière les 40,55% de Marion Maréchal-Le Pen (Front national) et les 26,48% de Christian Estrosi (Les Républicains). Pour faire barrage au parti d'extrême droite, Christophe Castaner a décidé de retirer sa liste. Une décision que beaucoup de militants niçois, qui s'expriment ici à titre personnel, ne digèrent pas. "J'ai vécu cela comme un coup de poignard dans le dos, confie Julien. Christophe Castaner a affirmé à de nombreuses reprises qu'il ne se désisterait pas."

"Si Christian Estrosi l'emporte, ce sera le roi"

Ce retrait le choque d'autant plus qu'il s'imagine mal voter pour Christian Estrosi, le maire de Nice et candidat du parti Les Républicains :

La droite ici n'est pas républicaine, c'est une droite extrême, très proche des idées défendues par Marion Maréchal-Le Pen, sa tante et son grand-père.

Julien, militant socialiste

Le trentenaire cite pêle-mêle les propos de Christian Estrosi sur la "cinquième colonne islamiste", "l'islam incompatible avec la République" ou les "vexations contre les minorités" dans sa ville. "Cambadélis, Valls et Hollande ne vivent pas dans la région, ils ne connaissent pas Estrosi. (...) Il a fait des choses que même le FN n’ose pas faire, comme sur l'interdiction des drapeaux étrangers", abonde Manuel, 18 ans, militant à Vence (Alpes-Maritimes). "Il est maire de Nice, président de la métropole... S'il l'emporte, ce sera le roi. Rien ne pourra le freiner", avertit Mathieu, un militant de Peymeinade (Alpes-Maritimes). "On parle du danger FN, mais il y a aussi le danger Estrosi."

Se retirer, un sacrifice vain ?

Les trois militants, classés à la gauche du PS, doutent surtout que le retrait de Christophe Castaner soit suffisant pour barrer la route à Marion Maréchal-Le Pen. "Quoiqu’il arrive, elle va gagner. 80% de la gauche ne votera pas Estrosi", estime Manuel. "Nous renonçons à avoir des élus au conseil régional pendant six ans, sans même avoir la garantie que ce 'sacrifice' évite que la région ne tombe aux mains du Front national", résume Julien.

Cette absence d'élus de gauche au conseil régional les inquiète au plus haut point. "Que le FN gagne ou pas, il fallait se maintenir pour ne pas être absent de la vie politique régionale pendant six ans", estime Mathieu. Il craint que son parti ne puisse plus jouer son rôle d'opposition et n'ait "plus de légitimité pour les prochaines régionales".

Des colistiers controversés

Ils redoutent que le parti de Marine Le Pen ait les coudées franches pour appliquer son programme. "Dans les lycées, maintenant, si on ne chante pas 'Maréchal nous voilà', on sera pendu", ironise Manu, avant de parler, plus sérieusement, des attaques de Marion Maréchal-Le Pen contre le Planning familial. "Les filles qui scandent 'Marion, Marion', j’aimerais les voir, quand elles seront en cloque, et qu’elles devront le garder parce que l’avortement coûte trop cher [Marion Maréchal-Le Pen propose au niveau national de le dérembourser]", lâche-t-il.

Tous les militants ne sont cependant pas opposés au retrait, la position défendue par les instances du parti. "Onzeleft", un militant de la section Nice-Ouest, a encore un petit espoir de faire battre Marion Maréchal-Le Pen. "Christian Estrosi n'est pas irréprochable, il est responsable de la montée du Front national, estime ce trentenaire. Mais le FN, ce serait pire. On ne peut pas mettre un signe égal entre Estrosi et Maréchal-Le Pen."

Pour lui, la différence entre les deux repose principalement sur le reste de leur liste :

Derrière Estrosi, les gens sont plus modérés que lui. Derrière Le Pen, c’est l’inverse. Elle, c’est la vitrine présentable du FN, mais derrière, il y a des personnes pas possibles.

"Onzeleft", militant socialiste

Dans son viseur, le cinquième sur la liste des Alpes-Maritimes, Philippe Vardon, un ex-dirigeant du Bloc identitaire, un mouvement d'extrême droite. "Il chantait des chants nazis en 1998", rappelle le militant PS.

Dilemme en vue dans l'isoloir

Dimanche prochain, il ira donc glisser un bulletin en faveur de Christian Estrosi dans l'urne. "Je ne voterai pour personne dimanche, mais je voterai contre Le Pen", corrige-t-il. "On va voter pour la République, pas pour un candidat et ses propositions", acquiesce Yann Librati, porte-parole de la fédération des Alpes-Maritimes. Rien ne dit qu'une majorité de leurs camarades et de leurs électeurs feront de même : "Le rôle d’un parti politique, c’est de prendre des positions, pas de donner des ordres, on n'est pas des militaires", remarque-t-il.

Manuel et Mathieu, qui, du haut de leurs 18 ans, n'ont connu que la gauche au pouvoir en Paca, voteront blanc. "Quand on est socialiste à Nice, c’est impossible de voter Christian Estrosi", estime Manuel. Julien hésite encore. "C'est un véritable dilemme, résume le trentenaire. La seule chose dont je suis certain, c'est que je me rendrai au bureau de vote ce dimanche."

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