Paris au secours de Royal : cela sera-t-il suffisant dans "La Rochelle, la belle et rebelle" ?
Ségolène Royal ne laisse pas indifférente dans sa circonscription, la première de Charente-Maritime. Au second tour, elle affronte le dissident PS Olivier Falorni dans une terre de gauche où la tension est vive entre les deux camps.
Non contente d'afficher sur sa profession de foi le soutien de François Hollande, Ségolène Royal a reçu mardi le soutien public et appuyé de Martine Aubry et de Cécile Duflot venues spécialement à La Rochelle s'afficher avec l'ex-candidate à la présidentielle de 2007. Une opération médiatique et politique perturbée par le tweet de Valérie Trierweiler, la campagne de François Hollande.
Cohue médiatique, caméras de télé, horde de journalistes : les Rochelais ont pu voir que leur ville était devenue une des capitales politiques du pays. Arrivées en train de Paris, Martine Aubry, première secrétaire du PS et Cécile Duflot, secrétaire générale de EELV, ont été accueillies, sur les quais de la gare de La Rochelle, dans une indescriptible cohue par Ségolène Royal, candidate officielle de la majorité présidentielle.
Sous l'oeil amusé ou choqué des Rochelais, le trio s'est plié aux demandes des journalistes avant de se rendre à la préfecture où Ségolène Royal a officiellement déposé sa candidature.
Le cortège s'est ensuite rendu sur le port de la Rochelle, qu'il a traversé sur une sorte de bac, pour tenir une conférence de presse, sous le soleil et un beau ciel marin, sur un bateau appelé le… "France 1".
Parachutage
Dans la ville, ce remue-ménage médiatique amuse ou agace mais ne laisse pas indifférent. Le climat est tendu entre les deux camps, même si dans les rues du centre historique de La Rochelle, aucune affiche ou distribution de tracts ne semblent agiter les foules. Et loin des épisodes médiatiques, les Rochelais interrogés regardent la joute d'un oeil assez distant. "Ils sont tous les deux socialistes, non ?", nous dit une vieille dame.
Il suffit d'entendre comment le maire de La Rochelle, Maxime Bono, qui, pour cause de non cumul de mandats, a proposé son siège de député à Ségolène Royal, parler de "l"autre candidat" M. Falorni, pourtant toujours adjoint aux finances de la ville pour mesurer la rupture dans la famille socialiste rochelaise. "J'ai fait appel à quelqu'un qui a toujours été présente ici, (Ségolène Royal) que j'ai vu davantage sur le territoire que je n'ai vu cet adjoint dans les couloirs de la mairie de La Rochelle"…
Au milieu des "tiens regarde c'est Ségolène", ou "bonjour Ségolène", un passant -un militant pro Falorni, selon des soutiens de Royal- lance "elle est où la chef du Poitou ?". Une façon de dire, ici, que Ségolène Royal est parachutée à La Rochelle, ville de Charente et non du Poitou.
"On note tous les incidents"
L'incident est symptomatique de la lutte entre les deux clans. Un socialiste pro-Royal explique : "Ils jettent de l'eau de Javel sur les affiches pour les décolorer, ou les recouvrent de peinture". Et il ajoute, "avant on ne disait rien mais maintenant ça suffit. On note tous les incidents. On en a marre de prendre des coups", ajoute-t-il en montrant son appareil de photo…ambiance.
La question du parachutage est souvent avancée par les opposants de Ségolène Royal. Elle ne serait pas "charentaise de souche", une formule qui fait bondir Ségolène Royal, pour son côté extrême-droite. Pourtant la remarque s'entend dans la rue. "Ici, il y a le parti des Charentais", dit un homme hilare en voyant passer le cortège. "Madame Royal manque d'humilité", ajoute-t-il en voyant la cohue qui suit la candidate. "Difficile de choisir", précise-t-il cependant, expliquant qu'il vote toujours à gauche
"La Rochelle, belle et rebelle "
Pourtant la candidate socialiste n'est pas une inconnue à La Rochelle. Le maire PRG de Périgny, Guy Denier, commune de l'agglomération rochelaise rappelle que Ségolène Royal est élue de la région depuis 24 ans (député des Deux-Sèvres en 1988) et présidente de la région depuis 8 ans. "Elle sillonne très largement le territoire en voiture et elle n'a pas besoin de parachute puisqu'elle n'a pas d'avion".
L'argument n'empêche pas dans la rue, un retraité rochelais d'affirmer : "Je n'aime pas les gens qui se parachutent chez les autres". Et il ajoute : "d'habitude je vote à droite et là je voterai Falorni".
Un conseiller municipal écologiste relativise cet argument. "Maxime Bono, l'actuel maire ou même Michel Crépeau, l'ancien maire qui a marqué la ville, n'étaient pas d'ici non plus. Ca me fait mal d'entendre ça", ajoute Patrick Larible qui reconnaît cependant le caractère frondeur de sa ville " La Rochelle, belle et rebelle ", qui fut longtemps la devise de la ville. "Chez les Verts explique-t-il, il y a eu des débats sur les personnes c'est vrai, mais après le premier tour la règle s'applique. On soutient le candidat de gauche arrivé en tête".
Dans cette circonscription qui est à gauche depuis 1973 (à l'exception de 1993-1997), le PS s'est donc déchiré. Pourtant, affirme un militant socialiste (pro Royal). "Quels que soient les courants, on s'est réunis. Très peu manquent".
Quel rôle joue la droite ?
Le parachutage n'est pas le seul argument dans le débat. Il y a aussi plus politique. Le maire de La Rochelle Maxime Bono, qui a donc appelé Mme Royal pour le remplacer comme député, a noté que le score de la candidate officielle du PS ajouté à celui de M.Falorni dépassait les 60% (et même beaucoup plus si on ajoute les scores des écologistes et du Front de gauche), soit un niveau plus élevé que le sien, et sa liste d'union, aux dernières municipales.
Pour lui, pas de doute, des voix de droite se sont portés sur le dissident PS. "Dans certains quartiers, des gens de droite ont visiblement voté directement pour Falorni", renchérit l'élu écologiste Patrick Larible.
La candidate EELV du premier tour, qui appelle à voter Ségolène Royal au second, n'apprécie guère le rôle de la droite dans ce duel à gauche. "Nous avons souvenir que M. Falorni, premier fédéral PS à l'époque, n'avait pas voulu d'un accord avec les écologistes pour les cantonales en 2011. Aujourd'hui, le conseil général est encore tenu par la droite de M.Bussereau, et ça nous choque de le voir s'impliquer dans l'élection d'un député de gauche".
Alors ,quand on parle de parachutage, aujourd'hui M.Bussereau se parachute sur cette circonscription en donnant des ordres pour dire qui doit être élu dans cette circonscription", ose Brigitte Desveaux.
"Entre un candidat Charente-Maritime et une intruse, j'appelle à voter en tant que président du conseil général pour le candidat de terrain et local qui représente le mieux la Charente-Maritime", avait expliqué M. Bussereau au lendemain du 1er tour. La candidate UMP de la circonscription, Sally Chadjaa, avait elle appelé à voter blanc au second tour, ne faisant, selon elle, aucune différence entre les deux candidats.
"Le fait que la droite -Raffarin, ancien président de la région et Bussereau, élu d'une autre circonscription du département- souhaitent la victoire d'Olivier Falorni pourrait peser contre lui", note d'ailleurs un socialiste. "En revanche, le fait que le PS, toute la majorité présidentielle, et François Hollande, s'engagent derrière Ségolène Royal", peut jouer en faveur de la candidate, ajoute cet élu socialiste.
Le maire de La Rochelle très dur contre Olivier Falorni
A l'exception de la droite, aucun parti ne soutient officiellement Olivier Falorni. Cécile Duflot et Martine Aubry sont venus le rappeler sur le terrain. Elles l'ont fait en termes politiques. Le maire de La Rochelle l'a fait avec des mots plus durs. "On ne livre pas les clefs de la circonscription à quelqu'un dont le seul bilan est d'avoir laissé la fédération socialiste de Charente-maritime dans l'état de champ de ruines que l'on connaît aujourd'hui. Je ne veux pas que la circonscription devienne un champ de ruine".
"Il sème la bazar partout où il passe", ajoute Maxime Bono à propos de l'"autre candidat" précisant qu'il se sent atteint par cette affaire avant d'ajouter : "à chaque fois que je lui ai tendu la main, il me l'a mordue".
Comme la candidate écologiste, la candidate du Front de gauche s'est désistée en faveur de la candidate officielle du PS. "Ce qui nous choque, c'est que M.Falorni ne refuse pas le soutien de M.Bussereau", ajoute-t-elle. Quand au représentant du PRG, il ajoute : "je n'accepte pas que l'image de Michel Crépeau soit marchandisé par un dissident".
Un "parti de la Charente-Maritime" ?
Arrivée première dimanche dernier, Ségolène Royal n'a obtenu qu'une légère avance sur M.Falorni (32,03 % pour elle, 28,91 % pour lui). Si mathématiquement et politiquement elle peut l'emporter, reste ce que le journaul "Sud Ouest" appelle l'inconnue du "parti de la Charente-Maritime". "Une "invention" des Crépeau, Marchand, Moinet à gauche, Belot, Bussereau, Blaizot, de Lipkowski à droite", explique le quotidien régional.
"Tous ceux-là s'étripaient lors des campagnes électorales, mais ils savaient composer une union sacrée lorsque l'intérêt supérieur du département était en jeu.Cette union a existé bien des fois, ne serait-ce que pour lancer la construction du pont de l'île de Ré", précise Sud-Ouest.
Qui va l'emporter de ce mythique "parti de la Charente-Maritime" ou des partis venus soutenir Ségolène Royal ? Réponse dimanche à 20 heures.
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