Non-cumul : les sénateurs prêts au combat
Les sénateurs s'accrochent à leurs mandats locaux. C'est en substance ce que laissent transparaitre leurs déclarations, à quelques heures de l'examen du projet de loi sur le non-cumul des mandats au Sénat.
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Votée par la majorité absolue des députés (300 voix contre 228) le 9 juillet, cette promesse de François Hollande interdirait aux députés comme aux sénateurs de cumuler un mandat exécutif local avec un mandat parlementaire.
La majorité de gauche divisée
Récemment, le projet de loi a ainsi été rejeté par la commission des Lois du Sénat. Cela devrait en être de même mercredi. Car si, sans surprise, le texte sera repoussé par la droite (UMP et UDI-UC), il le sera aussi par un fidèle allié du gouvernement, le RDSE (Rassemblement démocratique social européen), à majorité radicale de gauche.
► ► ► Sénat : le non-cumul des mandats rejeté en commission
Or, les 18 voix du RDSE sont déterminantes au Sénat pour le gouvernement, puisque la gauche détient 177 sièges sur 348, soit une majorité de 3 voix.
Jacques Mezard, sénateur du Cantal et président du groupe RDSE au Sénat, explique ses réticences au projet de loi :
Au sein même de la majorité socialiste, il existe des divergences, puisque le président du groupe PS au Sénat, le sénateur-maire de Dijon François Rebsamen, est un opposant de la première heure.
"Destruction de la République"
"Il s'agit de passer en catimini une profonde modification de nos institutions de la République, de dénaturer cette constitution et de détruire, pratiquement, le Sénat ", explique Jacques Mezard.
Pour lutter contre le projet, les sénateurs ont ciblé un objectif précis : les risques d'inconstitutionnalité de la loi. Cette fois-ci, il n'y aura pas d'obstruction pour dérégler la procédure parlementaire, comme c'est traditionnellement le cas, mais un argumentaire appuyé sur deux points.
La représentativité du Sénat en question
La représentativité du Sénat, tout d'abord. "L'article 24 de la Constitution dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Et s'il n'y a plus un seul maire ou un seul adjoint, le Sénat ne représentera plus les collectivités territoriales ", assure Jacques Mezard.
Un argument rejeté en bloc par Manuel Valls (qui s'était pourtant déclaré contre le projet de loi pendant la campagne), qui explique lui que la représentativité sera assurée par le fait que les sénateurs sont choisis eux-mêmes pas les élus locaux.
► ► ► L'article 24 de la Constitution
Une exception pour les sénateurs ?
Deuxième argument : le groupe RDSE a annoncé qu'il allait réclamer que les sénateurs ne soient pas concernés par le projet de loi, en mettant en place un amendemant spécifique "qui en exemple le Sénat ". "Pas question " que le projet de loi exclut les sénateurs, a dit Manuel Valls, voulant croire que son adoption est "inéluctable ", après le vote favorable de l'Assemblée.
Cette demande s'appuie sur l'article 46 de la Constitution, qui stipule que, dans le cas de lois organiques "relatives au Sénat ", l'Assemblée ne peut passer outre le désaccord des sénateurs.
► ► ► L'article 46 de la Constitution
Le projet de loi passera sans doute quand même
Malgré tout, ce sera alors au Conseil constitutionnel de trancher si le projet de loi est inconstitutionnel, et ne peut être accepté sans l'accord du Sénat. Mais celui-ci s'est déjà prononcé sur des affaires similaires, et a acté que l'article 46 ne faisait référence qu'aux lois qui s'appliquaient différemment entre sénateurs et députés. Or, ce n'est pas le cas ici.
Même si on ne sait jamais par avance de quelle manière va statuer le Conseil constitutionnel, il y a donc de grandes chances pour que le projet de loi sur le non-cumul des mandats soit finalement validé.
Au Sénat, les débats devraient se terminer à la fin de la semaine. Pour retarder l'échéance, Jacques Mézard a tout de même demandé au gouvernement de renoncer à la procédure accélérée (une lecture par chambre) "pour permettre d'avoir un vrai travail législatif et un débat équilibré ".
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