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Loi "mémorielle" : Alain Juppé exprime ouvertement son désaccord avec Nicolas Sarkozy

La crise diplomatique franco-turque provoquée par le vote d'un texte de loi réprimant la négation du génocide arménien a entraîné les premières crispations publiques au sein du gouvernement. Alain Juppé a pris ses distances avec Nicolas Sarkozy.
Article rédigé par Francetv 2012
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Nicolas Sarkozy et Alain Juppé en janvier (AFP)

La crise diplomatique franco-turque provoquée par le vote d'un texte de loi réprimant la négation du génocide arménien a entraîné les premières crispations publiques au sein du gouvernement. Alain Juppé a pris ses distances avec Nicolas Sarkozy.

Le feu couvait depuis deux jours. Depuis plus longtemps, sans doute, sans que personne ne le remarque. Il s'est déclaré, ouvertement, vendredi 23 décembre. Au point, peut-être, de gâcher les fêtes de fin d'année de Nicolas Sarkozy.

De quoi s'agit-il ? Du coup de sang, froid et mesuré, du ministre des Affaires étrangères sur l'affaire de la loi réprimant la négation des génocides. Et, en particulier, le génocide des Arméniens perpétré par les Turcs en 1915. Un massacre dont la réalité et l'existence ont toujours été niées par les autorités d'Ankara.

Cette proposition de loi présentée par la députée (UMP, Bouches-du-Rhône) Valérie Boyer a été votée, à mains levée, jeudi 22 décembre, par les députés. Son adoption a immédiatement provoqué l'ire du premier ministre, Recep Erdogan. Rappel de l'ambassadeur de Turquie à Paris, gel des relations militaires, menaces de rétorsions économiques n'ont été que le hors d'oeuvre de cette fureur.

Le "génocide" commis par la France en Algérie

M. Erdogan s'en est pris directement à M. Sarkozy lui signifiant qu'il ferait mieux de s'occuper de ses affaires et, en particulier, du "génocide" commis, selon lui, par La France en Algérie entre 1945 et 1962. "Si le président français, M. Sarkozy, ne sait pas qu'il y a eu un génocide, il peut demander à son père Pal Sarkozy (...) qui a été légionnaire en Algérie dans les années 1940", a-t-il lancé.

"Je ne suis jamais allé en Algérie, je n'ai pas dépassé Marseille. Et j'étais pendant quatre mois à la légion!", a rétorqué Pal Sarkozy sur BFMTV.

De Prague, où il assistait aux obsèques de Vaclav Havel, le président de la République a tenté de calmer le jeu.

"Je respecte les convictions de nos amis Turcs, c'est un grand pays, une grande civilisation, ils doivent respecter les nôtres", a déclaré M. Sarkozy. "La France ne donne de leçons à personne, mais la France n'entend pas en recevoir", a-t-il dit également.

"Cette initiative n'était pas opportune"

Son de cloche très différent à Bordeaux où se trouvait, vendredi, M. Juppé. "Je pense que cette initiative [dépôt et vote de la loi réprimant la négation des génocides] n'était pas opportune, mais le Parlement a voté. (...) Essayons maintenant de reprendre des relations apaisées. Ce sera difficile, j'en ai conscience, mais le temps fera son oeuvre", a déclaré, un tantinet agacé, le chef de la diplomatie française.

Interview France 2 Bordeaux, 23 décembre2011

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La position de M. Juppé est donc diamétralement opposée à celle de M. Sarkozy qui a mis toute son autorité dans la balance pour que ce texte - c'était un de ses engagements de la campagne présidentielle de 2007 à l'égard de la communauté arménienne de France, réitéré plus tard à Erevan, capitale de l'Arménie - soit adopté par les députés.

En effet, s'agissant d'une proposition de loi, elle aurait pu normalement être examinée dans la plage hebdomadaire dont l'ordre du jour dépend de l'Assemblée nationale.

"Useless and counterproductive"

Or, elle a été reprise à son compte par le gouvernement qui l'a inscrite dans l'ordre du jour dont il a la maîtrise deux semaines par mois.

Selon certaines indiscrétions, cette inscription a donné lieu à un débat informel un peu rugueux lors du conseil des ministres du 14 décembre. M. Juppé a marqué son désaccord avec le chef de l'Etat qui se faisait l'ardent défenseur de ce texte pour qu'il soit examiné au plus vite par les députés.

Le ministre des Affaires étrangères préssentait que ce vote allait ouvrir une crise diplomatique entre la France et la Turquie. Il s'en était même indirectement à des correspondants de la presse étrangère lors d'un petit-déjeuner, le jour même du vote à l'Assemblée. Il parlait alors de loi "inutile et contre-productive".

La "démagogie électoraliste"

Mais la préoccupation du chef de l'Etat était toute autre : ménager, pour ne pas dire plus, la communauté arménienne de France - un demi-million de personnes - dont les voix ne seront peut-être pas inutiles lors de l'élection présidentielle.

Beaucoup le pensent mais peu ont osé l'exprimer publiquement comme les centristes Dominique Paillé et Hervé de Charette, qui ont dénoncé la "démagogie électoraliste" entretenue, via ce texte, par l'Elysée.

Cette sortie, à peine diplomatique, de M. Juppé jette une ombre sur le tableau des relations idyliques "vendu" à la presse par les conseillers du "Chateau", via des confidences savamment distillées.

Ce couac entre le chef de l'Etat et le n°2 du gouvernement - le premier ministre étant particulièrement transparent dans cette affaire - met en évidence, un nouvelle fois, la méthode de gouvernement très personnelle qui est celle de M. Sarkozy.

Dans l'affaire libyenne déjà, le ministre des Affaires étrangères avait pris ombrage du rôle joué auprès du président par le philosophe Bernard-Henri Levy. Il rongeait son frein. Cette fois, il a lâché les chevaux.

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