Loi immigration : Emmanuel Macron appelle à un "compromis intelligent", Gérald Darmanin estime que "chacun doit faire un pas"
Nous n'avions pas encore entendu le son de sa voix depuis la claque de lundi et le rejet à l'Assemblée de l'examen du projet de loi sur l'immigration à l'Assemblée. Emmanuel Macron a bien sûr tiré les ficelles en coulisses. De réunions en dîners politiques, c'est lui qui a conforté Gérald Darmanin, dès lundi soir. C'est lui aussi qui a décidé d'envoyer le texte immigration en commission mixte paritaire, assurant au passage lors d'un dîner à l'Elysée qu'il n'y aurait ni 49.3, ni dissolution. Et surtout, en jurant que la loi immigration serait abandonnée s'il n'y en avait pas. Mais publiquement, pas de son, pas d'image jusqu'à ce vendredi 15 décembre, depuis Bruxelles, en marge du Conseil européen.
Le chef de l'Etat appelle par "pragmatisme", dit-il, il à trouver un compromis. "Je suis favorable à ce qu'un compromis intelligent soit trouvé au service de l'intérêt général, et du pays, et qu'il nous permette d'avoir un texte qui améliore notre fonctionnement commun et permette de mieux protéger les Français." Il n'entre pas pour autant dans le détail des négociations en cours. Une fois de plus, il a fustigé "l'immense responsabilité qu'ont prise deux forces historiques de gouvernement" qui ont "décidé de ne plus l'être en faisant le choix de voter avec La France insoumise et le Rassemblement national". Emmanuel Macron vise nommément le Parti socialiste et Les Républicains, au risque tout de même de braquer la droite. Mais le chef de l'Etat regrette leur "jeu d'obstruction et de refus de dialogue" que les Français, dit-il, "ne peuvent pas comprendre". "Moi, je ne comprends pas non plus. On peut être d'accord ou pas d'accord, mais je trouve que c'est bizarre de ne pas dialoguer."
Le président le répète : si un compromis est trouvé sur le projet de loi sur l'immigration en commission mixte paritaire, il n'y aura pas de 49.3. Et il explique pourquoi. "C'est vrai que j'ai assumé l'utilisation de l'article 49.3 pour le vote final sur une loi des retraites qui a été l'une des plus débattues de la 5e République. Ce ne serait pas sérieux de passer un texte sensible en 49.3 alors que les oppositions ont tout fait pour qu'il n'y ait pas de débat. J'essaie d'être cohérent, moi."
Darmanin, ce ministre qui n'a "jamais ménagé sa peine"
Emmanuel Macron a également eu un mot pour Gérald Darmanin, son ministre de l'Intérieur "qui n'a jamais ménagé sa peine". Et ce vendredi, il était justement en déplacement, à Calais. Cela ne signifie pas une pause dans les négociations. Certes, pas de réunions officielles aujourd'hui dans le bureau d'Elisabeth Borne à Matignon, mais les tractations continuent. Et à Calais, Gérald Darmanin ne pensait qu'à une chose : trouver un accord. "Je pense qu'on peut trouver, à la fois dans les mesures initiales du gouvernement, qui sont extrêmement fermes et dont nous avons besoin, mais aussi dans les propositions faites par les Républicains. Je crois à un accord qui se rapprochera du texte du Sénat. Il y a 100 articles, je ne vais pas tous les détailler ici. Ce qu'il faut, c'est que nous ayons un texte. Parce que si nous ne l'avons pas, je pense que les Français se diraient légitimement que les responsables politiques à Paris ne se rendent pas compte de ce qu'ils vivent dans la vraie vie, avec les vraies gens. Chacun doit faire un pas. Il y a un risque en effet très important que si nous ne nous mettions pas d'accord, le grand gagnant ne soit ni les Républicains, ni la majorité présidentielle, mais le Rassemblement national."
Encore une fois, ce déplacement de Gérald Darmanin ne devait rien au hasard. Calais, ville évidemment très symbolique : la nuit dernière, encore, deux migrants sont morts lors de deux tentatives distinctes de traversée de la Manche vers l'Angleterre. Gérald Darmanin était dans la circonscription même de Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains qui a voté lundi la motion de rejet. Mais le ministre assume de discuter avec la droite, quitte à la mettre un peu trop en position de force. Quitte aussi à perdre une partie de sa propre majorité. "Je connais bien M. Dumont, depuis très longtemps. On n'est pas d'accord sur tout, mais on arrive à discuter. Je pense qu'il pourrait le dire. C'est aussi un message. Bien sûr, la politique, c'est l'endurance et c'est aussi essayer de convaincre."
Le message du ministre de l'Intérieur : ne pas trouver d'accord serait une défaite pour les Français, une victoire pour le RN. Depuis, sans micro ni caméra, Gérald Darmanin a filé à Tourcoing, chez lui, pour "prendre le pouls", dit un de ses conseillers. A son agenda, ce week-end, des réunions, notamment celles de la dernière chance dimanche à 19 heures à Matignon, des coups de téléphone. Bref, pas vraiment de repos. C'est un week-end de négociation coriace qui s'annonce.
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