Les trois recettes de Sarkozy pour convaincre
Dans son intervention télévisée, le chef de l'Etat a cherché à faire œuvre de pédagogie au lendemain de l'accord de la zone euro à Bruxelles pour sauver la Grèce. Sans oublier qu'une échéance présidentielle se profile à l'horizon.
• Recette n° 1 : apparaître pédagogue sur la Grèce
Expliquer la crise aux Français. Voilà la première tâche à laquelle Nicolas Sarkozy s'est attelé, jeudi 27 octobre sur TF1 et France 2. Interrogé par Jean-Pierre Pernaut et Yves Calvi, il a fait usage d'un phrasé lent et posé pour détailler les décisions prises la nuit précédente à Bruxelles par les dirigeants de la zone euro, sans lequel "le monde entier sombrait dans la catastrophe".
Le chef de l'Etat a d'abord justifié l'annulation de 50 % de la dette grecque en soulignant "la responsabilité des banques" dans la crise de la zone euro. Leurs créances seront donc divisées de moitié. Mais en contrepartie, la Grèce devra faire encore des efforts. Des négociateurs iront surveiller les engagements d'Athènes, a dit le président.
Quant aux banques, Nicolas Sarkozy s'est voulu rassurant devant les Français. La recapitalisation des banques (à hauteur de 8,8 milliards d'euros) a été décidé "pour que les clients et les créanciers puissent avoir confiance". Mais les banques devront être "régulées", a-t-il prévenu, se montrant parfois agacé : "En 2008, les banquiers ont fait n'importe quoi." Cette fois, Nicolas Sarkozy a décidé que "la pratique des rémunérations et des bonus" allait entrer "dans un processus normal". Le gouverneur de la Banque de France aura ainsi un pouvoir de contrôle et de sanction.
Recette n° 2 : montrer que le président gouverne toujours
Le chiffre n'était plus un secret depuis quelques jours, mais Nicolas Sarkozy s'est octroyé le privilège de l'annoncer, se posant en gouvernant responsable et rigoureux. Le gouvernement va revoir la croissance pour 2012 à 1 %, au lieu de 1,75 % comme prévu dans le budget discuté actuellement à l'Assemblée nationale. Cette révision va obliger la France à trouver "6 à 8 milliards d'euros", soit en taillant dans les dépenses, soit en trouvant de nouvelles recettes.
Interrogé sur une éventuelle hausse de la TVA, une idée évoquée ces derniers jours, Nicolas a indiqué qu'il n'y aurait pas d'augmentation généralisée, jugée "injuste" et préjudiciable au pouvoir d'achat. Il ne s'est en revanche pas prononcé sur la possible instauration d'un taux intermédiaire, entre le taux réduit (5,5 %) et le taux normal (19,6 %). Le détail des mesures seront annoncés après le sommet du G20 des 3 et 4 novembre à Cannes.
A plus long terme, il s'est dit favorable à une convergence de la fiscalité avec l'Allemagne (par exemple sur les bénéfices des sociétés, la TVA, la fiscalité du patrimoine), estimant qu'il n'y avait "pas assez d'intégration" au sein de la zone euro, mais "trop" au sein des 27 pays de l'Union européenne.
A plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy a répété qu'il tiendrait l'engagement d'un déficit ne dépassant pas 3 % du PIB en 2013, tout en rappelant que les pays européens, y compris la France, s'étaient engagés à Bruxelles à faire adopter une règle d'or budgétaire dans la Constitution.
Quant au débat sur la mondialisation qui a ressurgi à l'occasion de la primaire socialiste, Nicolas Sarkozy a estimé que le protectionnisme était "une très mauvaise chose". Avant de partir dans une toute autre direction : "Il n'est pas possible, dans un monde ouvert, de continuer à recevoir des produits de pays qui font du dumping monétaire et social." Il a ainsi annoncé qu'il envisageait une taxation de certains produits importés pour participer au financement de la protection sociale.
Recette n° 3 : ne pas porter la responsabilité des errements passés
"Ça n'a jamais été mon genre de dire que c'est la faute des autres", a dit Nicolas Sarkozy. Pourtant, le président a cherché tout au long de son intervention à démontrer n'était pas responsable de la situation économique, mais qu'il en avait hérité.
Aux attaques du couple Sarkozy-Merkel en provenance de la gauche, il a tenu à répondre que ni lui ni la chancelière allemande n'étaient au pouvoir lorsque la Grèce est entrée dans l'euro (en 2001) : "C'était une erreur car ses comptes étaient faux. Elle n'était pas prête."
Pour expliquer les difficultés budgétaires de la France, Nicolas Sarkozy a préféré rejeter la faute sur les décisions prises en France depuis trente ans plutôt que sur sa propre politique. "Depuis 1974, aucun budget n'a été voté à l'équilibre. Cela fait une trentaine d'années que l'on dépense un argent que nous n'avons pas, donc qu'on augmente notre dette." Selon lui, les réformes faites sous sa présidence (retraites, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux) ont permis de conserver le triple A. Mais il omet de dire que le déficit n'a jamais été aussi élevé qu'en 2009 et 2010.
"Le problème, c'est que nous dépensons trop", a résumé le chef de l'Etat, en s'attaquant à deux mesures prises aux gouvernements de gauche. "Quand en 1983 on a expliqué qu'on pouvait faire la retraite à 60 ans, c'était le contraire qu'il fallait faire. Quand en 1997 on a fait les 35 heures, l'Allemagne faisait le contraire." Des attaques dignes d'une campagne électorale qui laissent penser que, si Nicolas Sarkozy n'est pas encore candidat à la présidentielle, il se prépare à l'être. Ce fut sa dernière annonce : il a déjà pris sa décision, mais ne l'officialisera que fin janvier ou début février.
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